31 mai [1849], jeudi matin, 7 h.
Bonjour, mon trop aimé petit homme, bonjour, mon pauvre amour, bonjour. Il me semble que je suis plus courageuse ce matin et que je supporte mon sort assez héroïquement. Cependant, j’aime mieux croire que d’y aller voir dans la crainte de découvrir beaucoup de choses tristes sous ce semblant de courage. Mes fanfaronnades ne sont pas tellement longues qu’on en trouve le bout tout de suite, et puis parlons d’autre chose, ce sera plus prudent. Tu dis donc, mon petit homme, que tu viendras de bonne heure tantôt ? Quant à moi, j’ai l’outrecuidance de penser que tu ne viendras pas plus tôt que d’habitude mais je n’en serai que plus prête à midi ½ pour vous prouver mon obéissance. Jour Toto, jour mon cher petit o, dormez. À quelle heure êtes-vous revenu de chez le sus dit G de B ? Pourquoi pas CHAUMONTEL ? Ces changements de noms me déroutent. J’aimerais mieux ne pas les varier si cela ne te fait rien ? Je suis comme les gens qui n’ont qu’un seul nom pour tous les différents domestiques qui les servent. Moi, c’est celui de Chaumontel que j’ai adopté, me forcer à en apprendre un autre m’est désagréable, après cela si tu y tiens absolument, je m’y conformerai, mais au fond ce sera toujours et plus que jamais pour moi : CHAUMONTEL. Est-ce que vous n’avez rien à me faire copier, mon petit homme ? Vous savez pourtant combien vous me rendriez heureuse si vous donniez souvent de belles choses à COPIRE. Cherchez donc, mon amour, et donnez-moi de l’ouvrage tout plein et puis encore. En attendant, je vous aime à indiscrétion.
Juliette
MVHP, MS a9046
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine