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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 janvier 1836, dimanche matin, 11 h. ¼

Bonjour mon amour, bonjour mon Toto chéri. Je t’écris un peu tard, n’est-ce pas ? Je viens t’en expliquer la cause.
J’ai passé une affreuse nuit et cependant je ne me suis pas servi de votre Joli Vase mais je n’ai pas pu dormir depuis 5 h. du matin jusqu’à 8 h. où j’ai appeléa Turlurette, je n’avais pas fermé l’œil. Ce n’est qu’après avoir fait allumer mon feu que je me suis endormie jusqu’à présent où ma première pensée, mon premier bonjour sont pour toi mon adoré.
Tu m’as promis de venir me prendre aujourd’hui pour recommencer nos excursionsb. J’y compte et je vais me tenir toute prête.
Mon Dieu, que l’espoir que tu m’as donné me fait de joie déjà en perspective. Voici un éclair qui illuminera une bien bonne et bien heureuse soirée pour nous autres pauvres petites affamées [illis.] d’amour que nous sommes.
Pendant tout le temps où je n’ai pas dormi, j’ai regardé ma belle petite fontaine et ce matin Turlurette me l’a donnée à admirer dans mon lit. C’est décidément la plus belle et la plus unique chose que j’aie jamais vue. Sans vous faire de tort, car vous êtes aussi, vous, mon cher petit po.... le plus unique et le plus admirable que Dieu, l’ouvrier universel ait jamais fabriqué, soit sur la terre, soit dans le ciel. Aussi, je passe ma vie à vous regarder au-dedans de moi comme je passe mes heures à contempler mon joli pot.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 5-6
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « appellé ».
b) « excurtions ».


3 janvier [1836], dimanche après-midi, 1 heure ½

Bonjour mon cher adoré, bonjour vilain, vous passez la permission de ne pas venir car enfin j’ai de l’argent. Il y a huit jours que vous n’êtes pas venu déjeuner. J’ai refusé Mme Guérard ce matin, comptant sur vous, et vous n’êtes pas venu. C’est très mal et très méchant. Si je pouvais vous aimer moins ce serait une fameuse occasion que celle-ci. Au surplus, je suis dans un accès de jalousie depuis hier. Cette éclaboussure totale dont vous avez revêtu hier pendant que le thermomètre descendait quinze degrés au-dessous de zéro et que tous les ruisseaux étaient métamorphosés à [RAIL-WAI  ?], tout cela, dis-je, joint à une certaine lettre du directeur de Saint-Antoine [1] qui vous priait d’assister à la 1re représentation d’une pièce digne de vous : LE BAL DES BOSSUS, tout cela m’a donné à penser et je ne serais pas du tout contente de mes conjectures et encore moins de votre conduite. Aussi je suis de très mauvaise humeur et les Guérard n’ont qu’à bien se tenir car il paraît qu’ils viennent tous les deux à ce que dit ma servarde qui ne les a pas vusa mais qui prétend être bien renseignée, ce dont je prends la liberté de douter jusqu’à nouvel ordre.
À qui donc avez-vous fait les honneurs du Messager et du Journal de Paris hier ? Je voudrais le savoir pour les leur emprunter (ces deux journaux) car d’après ce que vous m’en avez dit le procès de Chazal [2] et de Trisse-à-patte est des plus intéressants et puis je ne serais pas fâchée de connaître l’opinion des journaux de l’opposition sur la dissolution de la Chambre. Je vous prie donc, mon Toto, de me dire dans le plus bref délai quelles sont les heureuses créatures que vous avez favorisées à mon détriment ?
Je vous écris une grosse lettre dans le cas où j’aurais les Guérard et où je ne pourrais pas m’en débarrasser avant minuit. Je vous aime, vilain homme, je suis furieuse contre vous, pourquoi que vous n’êtes pas venu ce matin ? Fue, fue, comme la chatte et avec mes griffes encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 7-8-9
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « vu ».

Notes

[1Anténor Joly et Ferdinand de Villeneuve dirigent le Théâtre de la Porte-Saint-Antoine, avec lequel Juliette Drouet est en tractations pour un engagement qu’elle finira par refuser.

[2C’est le nom du mari de Flora Tristan qui, effectivement, a des démêlés judiciaires avec lui en 1835-36. Mais le nom est fréquent.

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