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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 mars [1836], mercredi, 2 h. après-midi

Je ne t’écris qu’après avoir pris un peu de nourriture parce que, vraiment, je me sentais trop faible pour le faire avant. Cependant, je ne suis pas malade, mon cher petit homme bien aimé, mais je suis faible comme une pauvre vieille bête malade que je suis. Cela tient à l’âge et aux circonstances de cette nuit.
Bonjour Toto, bonjour mon amour, je t’aime, il fait bien beau et ce serait un fameux moment pour se promener un peu bras dessus, bras dessous avec son bien-aimé. Il me semble qu’un peu d’exercice me ferait un grand bien.
J’ai rêvé de vous toute la nuit et j’étais très MAREULEUSE et très trahie aussi. Je vous ai donné de fameux coups. J’espère que vous ne vous en portez pas plus mal ce matin et que mes rêves ne sont que des SONGES c’est-à-dire des mensonges. Dans cet espoir, je vous baise et vous rebaise sur toutes vos jolies coutures.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 157-158
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


2 mars [1836], mercredi soir, 8 h. ¼

Mon cher petit homme adoré, vous m’avez fait une bien affreuse menace ce soir en me disant que peut-être vous ne viendriez pas me voir de la soirée. J’aime à croire que vous ne serez pas si féroce pour votre pauvre petite Juju et que vous viendrez sinon très tôt au moins une fois dans la soirée pour qu’elle puisse vous embrasser, vous admirer et passer une bonne nuit.
Bonjour, b o n j o u r. Comment que je vais faire si je ne vous vois pas ce soir ? Ça ne vous inquiète pas autrement, vous. Mais, moi, c’est différent, voyez-vous parce que je tiens la queue de ma poële [1], comme on dit dans mon pays, et que je ne sais pas comment vivre ni de quoi vivre quand je ne vous vois pas et que je n’ai pas même l’espoir de vous voir. Je suis toute triste et je ne peux plus ni parler ni respirer. Vous, vous vous en consolez en faisant merveilles sur merveilles ; ça vous est égal que vos diamants soient faits avec le feu de ma vie, que vos perles se forment dans autant de larmes de mes yeux, vous prenez toujours jusqu’à ce que la pauvre Juju n’ait plus rien à vous donner dans ce monde ni dans l’autre. Car je sens bien que je vous donne bien plus que ma vie, je vous donne mon âme tout entièrea. Si cette petite considération d’une pauvre femme qui vous aime, et qui met la joie de toute sa vie dans une minute de votre présence vous paraît quelque chose, je suis sûre de vous voir ce soir.
En attendant, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 159-160
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « toute entière ».

Notes

[1Le sens habituel de l’expression – avoir la direction, la responsabilité – n’est pas ici très satisfaisant.

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