Bruxelles, 9 août [18]67, vendredi matin, 9 h. ½
J’ose à peine t’avouer que j’ai encore eu une mauvaise nuit et encore pire que l’autre. C’est si bête et si peu motivé que j’en suis honteuse comme d’une mauvaise action. J’avais envie de passer outre sans t’en rien dire mais puisquea tu l’exigesb, j’obéis. Donc, j’ai passé une mauvaise nuit sans circonstance atténuante, et voilà. Maintenant prenez mon cœur et n’en parlons plus. Nous verrons d’ailleurs comment vous vous serez comporté vous-même pendant cette nuit. En attendant, je vous donne mon satisfecit de confiance et avec bonheur.
Dans le cas où il pleuvrait à versec au moment d’aller chez toi, je m’y ferais conduire en voiture. Je te dis cela sans aucune nécessité que celle de bavarder avec toi de tout et de rien. Nous n’avons pas non plus prévu le cas d’une invitation à dîner ce soir. Dans le cas où cela se présenterait, je me tirerais de cet honneur en disant que je suis invitée chez les Berru. J’espère que tu le ne trouveras pas mauvais puisque ce ne serait que la mise en action de nos résolutions antérieures à toi et à moi. À propos des Berru, je pense que j’irai ce soir comme à l’ordinaire. J’enverrai même un bouquet demain pour la fête de Mme Berru. Je tiens à rester très cordiale avec ces excellentes gens que j’aime, sans vouloir les fatiguer de mon auguste présence. Il n’en n’est pas de même pour vous, mon trop aimé, que je ne voudrais jamais quitter, dussiez-vous en bisquer à mort.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 212
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « puisse que ».
b) « tu l’exige ».
c) « il pleuvrait averse ».