Bruxelles, 28 juillet [18]67, dimanche, 8 h. du m[atin]
Cher adoré, le temps est au beau ce matin et mon cœur l’est aussi. Si tu as passé une bonne nuit et si tu m’aimes comme je t’aime, l’espoir d’un bon petit voyage côte à côte me ravigote jusque dans la moelle des os et je me sens toute guillerette d’avance. Sans compter que j’aurai peut-être d’ici là quelques revenants bons, de bonnes heures passées auprès de toi, quelques bonnes petites promenades à pied ou à cheval et le reste, si ces dames en ont laissé. Enfin, je me leurre peut-être en voyant tout en rose ce matin mais comme mon bonheur y trouve son compte, je tiens à ne pas perdre mes illusions.
As-tu pensé à dire chez toi que tu attends Joly à déjeuner demain lundi ? Dans le cas où tu l’aurais oublié, je te le rappelle en ma qualité de mouche du coche. À propos de mouche du coche, qu’est-ce que nous ferons de Suzanne pendant le voyage [1] ? L’envoyer chez elle sera bien dispendieux, la laisser seule à l’hôtel le sera un peu moins mais elle s’y embêtera à crever. Déjà son activité mise au repos la fatigue et la tourmente. C’est encore une question à résoudre, la moindre de toutes, certainement, mais à laquelle il faut cependant penser.
En attendant, je m’épanouis dans l’espoir d’un voyage prochain et je t’aime, je t’aime je t’aime. Je t’adore et je te bénis.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 200
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette