Lundi, midi
[Lundi 5 janvier 1835]
Je reçois ta seconde lettre où tu m’écris que tu vas mieux [1]. Je me réjouis de ce bonheur pour toi d’abord, ensuite pour moi, car il est certain que je souffre plus que toi de tes souffrances.
Quanta à l’autre assertion de ta lettre, elle ne m’est pas aussi démontrée que la première : tu m’aimes, dis-tu ? Ce mot-là frappe douloureusement sur mon cœur qui y répond par le doute – Oh ! si tu m’aimais véritablement, tu ne me sacrifierais [pas], jour par jour, heure par heure, minute par minute, à tes considérations sans nom et sans valeur – Tu ne me laisserais pas trois heures exposée à la pluie sans me donner un regard de reconnaissanceb. Tu n’aurais pas donné devant moi ta première sortie, qui m’appartenait, à une autre qui ne l’avait pas achetée comme moi par trois jours de fièvre et d’angoisses – Non, tu n’aurais pas fait cela si tu m’aimais.
Je savais vaguement que tu aimais une autre femme plus que moi – mais ce que j’ignorais, c’est qu’un jour tu prendrais plaisir à me le démontrer si cruellement –
Je sais ce qu’il faut que je fasse. Je ne veux pas rien décider avant de t’avoir vu. Je ne pense pas que tu aies aucune objection à faire à ce projet qui te rendra libre et heureux –
Tu [iras] mieux bientôt, je l’espère. Tu seras guéri, je le désire de toutes les forces de mon âme.
J.
[Adresse]
9e
BnF, Mss, NAF 16323, f. 56-57
Transcription de Jeanne Stranart et Véronique Cantos assistées de Florence Naugrette
a) « quand ».
b) « recconnaissance ».