Guernesey, 24 janvier 1861, jeudi matin, 8 h. ¾
Bonjour, mon cher petit homme. Bonjour et tendresse sur tes yeux, sur tes lèvres, sur ta gorge, dans ta pensée, dans ton cœur et dans ton âme, bonjour, santé, amour, bonheur. Je n’ose pas te dire que tu étais bien triste hier au soir [1] mais tu m’as paru bien préoccupéa et bien soucieux. Peut-être le silence forcé que t’impose ton mal de gorge suffit-il, malgré son peu de gravité, à te donner cet air mécontent et morose. Dans tous les cas il est certain pour moi, mon bien-aimé, que tu ne couresb aucun danger de ce côté-là qu’un peu de beau temps continu fera disparaître toute cette gêne du larynx. Jusque là, mon pauvre adoré, j’ai le regret de ne pouvoir te soulager en rien, pas même de faire diversion à ton inquiétude si tu en as à ce sujet, ce que je voudrais pouvoir t’ôter au prix d’un mal plus grand et plus sérieux pour moi ; j’ai beau multiplier mes âneries et redoubler de tendresse, rien n’y fait, tu restesb toujours triste et découragé, en apparence du moins. Peut-être as-tu d’autres raisons que j’ignore pour être ainsi et dans ce cas je dois respecter ton silence. Mais si ce n’est que ton bobo je t’assure, mon bien-aimé, au nom de tous les instincts de mon amour, qui ne peut pas se tromper quand il s’agit de ta santé, il n’y a aucun danger et tout disparaîtra avec le beau temps. Encore un peu de patience et de confiance et tu seras guéri, guéri, guéri et nous serons heureux, heureux, heureux. J’espère que tu auras passé une meilleure nuit que l’autre. Je t’attends, je t’aime et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 23
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « préocupé ».
b) « courres ».
c) « reste ».