Paris, 17 juin 1882, samedi midi
Coûte que coûte, mon cher bien-aimé, je ne veux pas laisser passer un jour sans t’écrire le mot sacramentel de mon âme : je t’adore. Je suis très en retard aujourd’hui parce que j’ai voulu faire une revue de mes vieilles défroques, ce qui, avec mon débarbouillage et mon coiffeur, m’a conduitea jusqu’à midi. Il résulte de cette consciencieuse vérification que je n’ai plus de chemises de flanelle et plus de chemises peignoirs. Et comme je ne peux pas plus me passer des unes que des autres, il faut que tu me permettes d’en commander tout de suite une douzaine de chaque. Je crois que tu es logé un peu à la même enseigne aussi je te conseille de faire comme moi. En attendant que tu prennes ton parti de cette nécessité, moi je me multiplie pour t’aimer encore davantage si c’est possible. Je te souris et je te bénis dans toute l’effusion de mon cœur et avec toute l’admiration et toute l’adoration que ton génie m’inspire.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 115
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « m’ont conduites ».