Guernesey, 4 novembre 1858, jeudi matin, 8 h. ½
Je continue de te donner mon cœur, mon cher petit homme, pour être bien sûre que rien ne m’arrêtera dans ce doux devoir pendant le reste de la journée, sans compter que j’ai à copire et que je veux m’épêcher pour avoir la suite de tous ces admirables poèmes [1] dont le dernier lua paraît toujours être le plus beau. Ce phénomène tient à ce qu’ils sont également sublimes et adorables et que la première impression d’admiration fait qu’on croit donner la préférence à ta dernière œuvre connue. Je sens que je m’explique mal mais tu me comprends tout de même, n’est-ce pas mon grand bien-aimé ? Quel malheur que je ne sois pas souris quand tu lis tes chefs-d’œuvres à ta famille tous les jours [2] ! Avec quelle indiscrétion et avec quelle audace je m’insinuerais dans un petit coin pour tout écouter au nez et à la barbe de Mlle Mouche [3] et de Vacquerie son adorateur. Malheureusement je ne suis qu’une GROSSE Juju qui ne peut guère se dissimuler, ni dissimuler combien elle est stupide et combien elle vous aime.
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 312
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
a) « lut ».