Jeudi, 2 h. de l’après-midi
[Jeudi 26 février 1834]
Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon grand poète, bonjour mon Dieu ! Voici une belle journée d’amour et de soleil, digne en tout de rappeler le jour où tu es né [1]. C’est dans la solitude et le silence que je te rends hommage. Les autres plus privilégiés t’entourent, te complimentent, te fêtent. Moi je t’aime. Voilà tout.
J’ai un sentiment de mélancolie qui provient, je pense, de ce malaise que je continue d’avoir. Je me suis levéea à midi seulement, et c’est à présent que je viens de demander une tasse de chocolat par raison, car je n’ai pas faim. Du reste, toujours même abandon, même silence du dehors. Tout cela n’est rien si tu m’aimes autant que je t’aime. Il y a des moments où j’en doute ; par exemple aujourd’hui, il me semble que tu aurais pu dérober un moment aux complimenteurs pour savoir comment j’étais, et puis je pense que tu ne l’as pas pu absolument. Je te pardonne alors, je saute à ton cou, je te baise mille fois. Je ne suis plus triste, je suis heureuse, je suis fière. Je t’aime, je t’admire.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16322, f. 146-147
Transcription de Jeanne Stranart et Véronique Cantos assistées de Florence Naugrette
[Souchon]
a) « levé ».