Paris, 10 mars [18]79, lundi matin, 10 h. ½
Cher bien-aimé, ça [a] été pour moi ce matin une bien douce surprise de te savoir levé en même temps que moi. J’aurais été t’en féliciter tout de suite si je n’avais pas été déjà dans l’engrenage du ménage et de la blanchisseuse. Mais je prends ma revanche maintenant en te disant combien je suis heureuse de te voir reprendre tes habitudes matinales. D’abord tu y gagneras de bonne nuit et nous y gagnerons de déjeuner avec toi, ce qui est bien précieux mais beaucoup trop rare depuis longtemps. Le comble de la joie, aujourd’hui, serait de faire une bonne petite promenade en voiture découverte tantôt. Il fait un temps à souhait pour cela et presque aussia chaud que l’été. Mais ce souhait que je fais a peu de chance, je le crains, d’être réalisé ; aussi je n’en parle que pour mémoire et en souvenir de nos promenades d’autrefois. Et puis il ne faut pas épuiser tous les bonheurs à la fois. Celui d’aujourd’hui est suffisant, il faut laisser le temps à la sève de monter et aux douces habitudes de revenir. En attendant, mon cher adoré, je te souris, je t’aime, je t’adore, je te bénis.
[Adresse :]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF, 16400, f. 70
Transcription de Chantal Brière
a) « presqu’aussi ».