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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 août [1844] après-midi, 1 h. ¼

Et d’abord que je t’embrasse, mon cher bien-aimé adoré, et que je te demande pardon pour ma stupidité habituelle. Pauvre ange, va, tu es bien le meilleur des hommes comme je suis la plus amoureuse et la moins aimable des femmes. L’un est aussi vrai que l’autre.
C’est fini, mon adoré, fini, fini : le propriétaire a son argent et moi j’ai les deux baux signés de lui. Quand Lanvin sera venu, je lui enverrai sa minute signéea sous enveloppe. Du reste, comme tous les vieillards, il n’a pas tenu compte de ta réclamation pour la baraque. Il donne sa parole. J’ai vu qu’en insistant je l’aurais offensé en pure perte. J’ai préféré en passer par là. Pour Mme Commissaire, il est convenu, de nouveau, que ce ne serait que dans le cas où ses couches coïncideraient avec l’époque du déménagement que je lui accorderais un petit délai volontaire SAUF À LE LUI RETIRER si elle en abusait. Voilà, mon cher adoré. Il n’a été fait de la part du vieux propriétaire aucune objection pour la substitution de personne et de nom insérée dans le bail.
J’AI UN JARDIN !!!!b
Il ne dépend plus que de vous pour que je marche vivante dans mon rêve étoilé ! [1] Peu de chose en vérité.
Pauvre adoré, c’est à toi que je devrai ce petit oasis, c’est à ton courage surhumain et à ton travail opiniâtre que je devrai les arbres et les fleurs qui réjouiront mes yeux. Mais, mon cher adoré, si tu n’es pas là pour les voir et pour en jouir avec moi, je ne serai pas plus heureuse que si j’étais enfermée dans une cave sans lumière et sans air. Le véritable air pour moi, c’est ton souffle sur mes lèvres, le soleil, c’est ton doux regard dans mes yeux, les fleurs, les parfums, ce sont tes baisers et ton sourire. Tout ne m’est rien si tu n’es pas dans tout et partout ce qui me touche et où je suis.
J’exprime ma pensée comme je peux, mais tu sais, mon Victor, tout ce que je sens et comment je t’aime, n’est-ce pas ? Je baise tes divines mains et je te désire de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 103-104
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « signé ».
b) Les points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1Il s’agit d’une allusion à la réplique de Ruy Blas dans la pièce du même nom, acte III, scène 4 : « Donc je marche vivant dans mon rêve étoilé ! »

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