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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 août [1844], samedi matin, 11 h.

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon ravissant petit Toto, bonjour, mon petit homme bien aimé, comment que ça va ce matin ? Tu travailles encore, mon pauvre petit homme, aussi je ne veux pas te tourmenter. Je veux être très courageuse et très résignée. Je ne veux pas ajouter ma maussaderie injuste à la fatigue de ton travail.
Aujourd’hui je prendrai un bain. Peut-être cela me calmera-t-il le pied que j’ai très enflé et très enflammé. D’ailleurs j’en ai besoin comme propreté. Le temps continue d’être orageux et agaçant ; pour ma part, je ne vaux pas deux sous aujourd’hui. Il est vrai que je ne vaux jamais plus. Jour Toto. Jour mon cher petit o. Louis-Philippe a raison et je me rallie à son opinion franchement et entièrement. Seulement, je trouve que vous êtes assez de notre avis et qu’il ne faut pas tant vous inculquer ce sentiment de votre beauté que vous possédez bien assez pour mon repos et pour [mon] malheur. Taisez-vous, monstre d’homme, et prenez garde à vous car je vous guette et je suis prête à vous tomber sur la carcasse à la moindre infraction à la fidélité que vous me devez. Je vous pardonnerai tous vos trimes, mon Toto, si vous venez tout à l’heure baigner vos beaux yeux et me baiser. Je me sentirais très indulgente aujourd’hui, pour peu que vous veniez un petit moment dans la journée m’apporter votre joli petit museau à caresser et à baiser. Ça ne serait pourtant pas bien difficile si vous y mettiez un peu de bonne volonté. Allons, Toto, un peu de courage dans les jambes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 61-62
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « fais ».


17 août [1844], samedi après-midi, 4 h. ¼

Je vais prendre mon bain, mon cher adoré, mais je veux te griffonner quelques lignes d’amour auparavant. Je veux te donner avec le bec de ma plume tous les baisers que je n’ai pas pu te donner tantôt avec ma bouche.
Pauvre ange adoré, tu étais très pressé par le travail car tu n’as pas même voulu attendre le temps de passer ton eau pour tes yeux. J’ai bien vu cela ; aussi, je ne t’ai rien dit qui puisse te troubler, je t’ai laissé aller sans oser même te dire que je t’aimais et que tu étais ma vie, tant je craignais de te déranger. Sois béni, mon Victor adoré, je t’aime de toute mon âme. Tu es ma joie. Je ne sais pas si tu pourras venir tout à l’heure, mais, à quelque heure que tu viennes, et, quelque part que tu sois, tu es le bien aimé, et le bien désiré, et le bien attendu, et le bien venu.
Tu m’as très fort consternée, hier, en m’apprenant que la plus grande partie de ton travail était déjà copiée. Moi qui comptais si bien là-dessus pour me rabibocher de ton absence. Me revoilà encore désappointée et rejetéea aux calendes grecques. En vérité, je n’ai pas de chance du tout. Tu dois en convenir, mon Toto, et me plaindre car je suis vraiment très contrariée de cet incident.
Baisez-moi, mon Victor adoré, et tâchez de venir me sortir du bain si votre modestie ne s’y oppose pas. Voime, voime, Toto est très modeste. Je m’en fiiiiiiiiiche.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 63-64
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « rejettée ».

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