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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 août [1844], lundi midi

J’ai eu les menuisiers encore ce matin, mon adoré, pour les fameux volets. Je voudrais les voir posés pour être débarrassée de leur auguste présence. Déjà, j’avais eu la visite de Lanvin à qui j’ai expliqué, à peu près, ce que lui voulait Mme Luthereau. Il ne m’a pas paru très pressé d’accepter la chose en question à cause d’une certaine mise en page qu’il ne voudrait pas lâcher. Cela le regarde. Du reste, il doit savoir mieux que personne ce qui lui convient.
Ma pauvre péronnelle [1] est repartie jusqu’aux vacances qu’elle attend, je suis sûre, avec bien de l’impatience. J’ai reçu une lettre de Brest qui me mande de bonnes nouvelles de toute la famille, sans en excepter Monsieur le principal à qui son frère a écrit que tu t’intéressais vivement à son avancement [2]. Voilà, mon amour, les grandes nouvelles extérieures et intérieures d’aujourd’hui. Ah ! J’oubliais un flacon d’esprit de fourmi (qui est-cea qui se douterait qu’un si petit animal a de l’esprit à revendre) qui coûte 3 F. Eulalie, lassée de m’entendre hurler le mal de tête sur tous les tons, s’est avisée de passer à la pharmacie anglaise et de m’acheter ce flacon. J’en suis bien aise, car, si par hasard ce remède pouvait me soulager, ce serait le plus grand service qu’on aurait pu me rendre. Service que je rendrai à ma pauvre Péronnelle et à tant d’autres personnes en proie au même mal.
Je t’aime, mon Victor adoré. Je t’aime, mon doux, mon ravissant petit Pécopin [3]. Je t’aime, mais tu me laisses trop filer…… le parfait amour toute seule [4]. C’est monotone à la fin.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 43-44
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « qu’est-ce ».


12 août [1844], lundi soir, 5 h. ½

Mon cher petit bien-aimé, si tu m’aimes, si tu m’es bien fidèle et si tu songes à revenir bien vite auprès de moi, je suis la plus heureuse des femmes. Mais… aussi, si tu ne m’aimes pas, je suis la plus malheureuse et la plus misérable des Juju. C’est à quoi je pense dès que tu tardes trop à revenir, c’est à dire à peu près depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre et vingt-trois heures trois quarts sur vingt-quatre. Ça n’est pas très gai, comme tu vois, et cela a de plus l’inconvénient de t’ennuyera supérieurement, j’en suis sûre.
Je voudrais bien changer de régime pendant seulement un jour ou deux. Tu vois que je ne suis pas très exigeante, et tu devrais tâcher, pour la rareté du fait, de me donner ce que je désire de toute mon âme ; au moins pendant douze heures, montre en main.
Je n’ai pas encore uséb de l’esprit de fourmi [5]. Je crains que cela ne fasse du tort au mien esprit de rivalité, comme tu vois. Non, mais sérieusement, je n’en ai pas eu besoin. Mon mal de tête s’est dissipé toute seul. Peut-être suffit-il d’avoir un flacon de cet éther d’un nouveau genre pour asphyxier tous les maux de tête d’une Juju quelconque. Nous verrons cela à l’user. En attendant, je me sens très bien et je vous aime comme trois cent mille éléphants. Baisez-moi et tâchez de venir bien vite et je serai bien heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 45-46
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « ennuier ».
b) « user ».

Notes

[1Claire.

[2Il est ici question de Louis Koch, le beau-frère de Juliette Drouet.

[3Héros de la Légende du beau Pécopin et de la belle Bauldour, vingt-et-unième lettre du Rhin.

[4Fiancée au beau chasseur Pécopin, Bauldour passe le plus clair de ses journées à filer en attendant son fiancé parti à la chasse.

[5Dans la lettre précédente, Juliette évoque « un flacon d’esprit de fourmi » qu’est allée quérir Eulalie pour soulager les maux de tête persistants de Juliette.

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