28 mai 1858

Guernesey, 28 mai 1858, vendredi matin, 7 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon tout bien-aimé, bonjour, beau jour dans ton cœur, dans tes yeux, dans ton âme et partout où ta pensée s’arrête et où ton pied se pose.
J’espère que tu as passé une bonne nuit car moi-même je t’en ai donné l’exemple en dormant comme un loir toute la nuit. Aussi, ce matin je me porte comme le Pont-Neuf y compris HENRI IV [1]. J’ai déjà mis toute ma maison à l’air et au soleil depuis une heure mais je crois que le temps ne tardera pas à se gâter car il est déjà très rembruni et très refroidi. Heureusement que ton bras va assez bien pour ne pas se ressentir de ces variations atmosphériques trop multipliées. Quant à moi, j’en suis quitte pour fermer mes portes et mes fenêtres ou pour les ouvrir selon les caprices de la température, ce qui ne m’empêche pas d’être trop ridicule dans mes observations de Mathieu Lansberg [2] renforcé, de réflexions Lapalisse. Tout se remplissage bête donné à mon amour [a] l’air d’un beau petit œuf caché dans la paille et du foin. Heureusement que tu es habitué à la dénicher partout où je la fourre, aussi je ne m’en inquiète pas autrement si ce n’est pour regretter ma stupidité invétérée. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16379, f. 116
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette