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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 octobre [1848], lundi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon bien aimé, bonjour, mon Toto, bonjour. Tu n’as pas pu venir hier au soir. Je le comprends mais cela ne m’empêche pas d’en être triste. Si j’osais même en être très grognon je le serais à outrance mais je ne suis pas assez sûre de n’être pas injuste et je me contente de rager en-dedans en donnant de toutes mes forces au diable la République et son auguste famille le National qui m’a fait CES DOUX LOISIRS. Si je pouvais leur tordre le cou, tout bonnement, je le ferais avec volupté ! Malheureusement je ne peux que leur tirer la langue, c’est-à-dire MA, et ce n’est pas assez. Cette vengeance ne me satisfait pas. Je continue de t’écrire sura des débris de papier, voire même sur des ailes des poulets de Bourel. Mais je n’en suis pas humiliée, tant je suis bien apprivoisée et de bonne composition. Ce genre de COCOTTE ne m’effarouche pas trop. Je n’ai de répulsion insurmontable que pour les lionnes et les chameaux du Delta, Breda et autres boules rouges des environs. Il est plus que probable que vous paierez de votre VIE les choses que vous faites à ces peu innocents animaux mais comme vous n’y tenez pas, à votre vie, c’est le sort le plus beau c’est le sort le plus beau le plus digne d’envie e e e e [1]. Qu’est-ce que vous avez fait hier chez CHAUMONTEL, pardon chez son pseudonyme ROBELIN ? À quelle heure vous êtes-vous séparés ? Où avez-vous couché ? Qui levez-vous dans ce moment ? Vous aurez à me rendre un compteb de ces quatre petites questions.

Juliette

Collection particulière, MLM (Paris), 65303 00258/0061
Transcription de Gérard Pouchain

a) Au-dessus de ces mots, Juliette Drouet a écrit au haut de la feuille le chiffre « 2 ».
b) Le mot est suivi d’un autre qui ne peut être lu en raison d’une déchirure du papier.


9 octobre [1848], lundi soir, 8 h. ½

Je suis furieuse, mon Victor, contre ce stupide commis qui n’est pas venu et qui ne viendra évidemment pas ce soir. Je n’aime pas les choses qui trainent et celle-ci en particulier me tenait fort à cœur à cause des derniers beaux jours dont j’aurais voulu profiter et surtout par-dessus tout me rapprocher de toi tout de suite. Peut-être viendra-t-il demain mais dans mon impatience j’entrevois déjà des obstacles et des ennuis. Enfin, attendons, puisqu’aussi bien il n’y a pas moyen de faire autrement. Avec tout cela je t’écris sur du papier écolier car je n’ai pas encore pu aller rue de Mouton en chercher d’autre. Les papetiers chez lesquels je suis entrée au hasard sur ma route m’ont dit qu’ils n’en avaienta pas de moins de 5 francs la rame. Je coursb encore. Je suis allée chez Guyot que j’ai trouvé en compagnie de ce hideux sauvage. Il m’a fait un reçu que je crois en bonne forme et que je te porterai demain car je n’espère pas que tu viendras ce soir surtout que tu attends ces dames. Tout cela ne me rend pas l’humeur d’un rose tendre, il s’en faut. Cependant je ne veux pas te grogner car je reconnais que tu fais tout ce que tu peux, du moins je le crois, et puis tu es si bon, si beau, si doux, si grand, et si adorable que je ne peux que t’aimer, t’aimer et te raimer encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 357-358
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « il n’en avait ».
b) « je courre ».

Notes

[1Juliette Drouet cite les deux derniers vers du Chœur des Girondins de Varney et Maquet, écrit en 1847 pour le drame de Dumas et Maquet, Le Chevalier de Maison-Rouge. Ces vers figuraient déjà dans un chant de guerre de Rouget de Lisle, Roland à Roncevaux.

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