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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 avril [1846], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour mon bien-aimé, bonjour mon bien, bonjour mon tout ravissant. Bonjour mon adoré, bonjour. Claire a dormi depuis 10 heures jusqu’à cinq heures du matin. C’est la première fois depuis qu’elle est malade qu’elle dort sa nuit entière. Ce matin elle n’a presque pas toussé et elle demande à manger à cor et à cris. C’est à n’y pas croire. Ce matin elle a l’air d’une personne en pleine convalescence. Si ce miracle est dû à la lettre que son père lui a écrite hier, il faut avouer que l’effet en a été prodigieusement prompt [1]. Je n’ose pas me flatter cependant, car voilà déjà bien des fois que je l’ai cru hors d’affaire et qu’il n’en était malheureusement rien. J’attends M. Triger avec impatience pour savoir s’il la trouve aussi bien qu’elle le paraît. Si cela était, nous n’aurions besoin d’aucune consultation et dans quinze jours, elle serait tout à fait guérie. Mais je n’ose m’y fier, quelque besoin que j’en aie pour ma tranquillité.
Je lui ai lu ce matin la bonne et généreuse lettre que tu as écrite à son père. Elle en a été touchée jusqu’aux larmes. Quant à moi, mon adoré, toute ma vie ne suffirait pas à te prouver l’amour et la reconnaissance sans borne que j’ai pour toi. Je compte encore sur l’autre vie de l’autre monde pour me donner le temps de m’acquitter envers toi de tout ce que je te dois et pour écouler le trop plein de mon cœur. En attendant, je t’aime d’arrache-cœur, je te souris, je te porte. J’admire votre habit et je vous permets toutes sortes de bonnes fortunesa avec Mme Luthereau.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 423-424
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « toute sorte de bonne fortune ». 


29 avril [1846], mercredi après-midi, 3 h. ¾

Je suis bien contente, mon doux bien-aimé, de vous donner lea pâté ce soir. Je regrette pourtant de ne pouvoir pas en prendre ma part avec vous mais je veux, quelque ennui qu’il m’en coûte, accomplir pour le dernier jour tous les devoirs de l’hospitalité envers Mme Luthereau [2]. Demain à cette heure-ci elle sera partie ou bien prête à partir et je pourrai être tout à toi et à ma pauvre péronnelle qui aura encore besoin de mes soins pendant quelque temps en supposant tout au mieux et au plus vite, guérie. J’attends M. Triger avec impatience pour qu’il me confirme dans le bon espoir que j’ai de voir cette pauvre enfant à l’abri de l’affreuse maladie dont nous pouvions tous la croire menacée [3]. Tu l’as vue tout à l’heure, n’est-ce pas qu’elle est bien ? J’ai déjà fait cette question cinq ou six fois à Suzanne comme si elle pouvait me faire une réponse qui ait le sens commun. Mais le désir et le besoin que j’ai de savoir cette enfant hors de tout danger me fait voir un mieux qui n’existe peut-être que dans mon imagination et je voudrais que toute la nature me confirmât dans mon espérance. Dès que je n’aurai plus rien absolument à redouter pour ma pauvre grande fille, je veux que tu me donnes une culotte énorme, une culotte gigantesque, une culotte effrayante et effrénée. Si vous ne me la donnez pas, ce sera bien injuste et je ne sais pas ce que je ferai mais je compte sur votre générosité accoutumée et je suis bien sûre que vous ne vous ferez pas tirer l’oreille pour une chose aussi juste que méritée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 425-426
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « la ».

Notes

[1Voir lettre de la veille.

[2Laure Luthereau est venue de passer quelques jours à Paris pour une affaire délicate.

[3Pour la première fois, Juliette Drouet évoque la gravité possible de la maladie de Claire. Le médecin lui a-t-il signifié qu’il pouvait s’agir de la tuberculose ?

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