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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 juin 1848

10 juin [1848], samedi matin, 8 h.

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon pauvre amour, bonjour, je t’aime. Tu m’as trouvée hier à moitié endormie et assez souffrante et c’est dans cette charmante disposition que je t’ai répondu au sujet du rendez-vous de midi. Maintenant je m’en repends et je me battrais si je pouvais pour me punir de l’affreuse privation que je me suis imposée dans ces accès de somnambulisme et de migraine. Malheureusement cela ne remédierait à rien et j’en serai pour mon bonheur perdu aujourd’hui car il n’est guère probable que tu puisses venir me voir avant ce soir très tard ? D’ailleurs cela ne m’empêcherait pas de regretter d’avoir perdu l’occasion d’une heure passée auprès de toi depuis chez moi jusqu’à l’Assemblée [1]. Enfin je suis stupide, c’est évident et je n’ai que ce que je mérite. Je suis inepte, dorénavant nous organiserons cela une fois pour toutes, de cette manière je ne serai pas victime de mes cauchemarsa éveillés. Tu me diras à quelle heure je dois me trouver à Saint-Paul et je t’attendrai tous les jours de séance. C’est le seul moyen que j’aie maintenant de te voir un pauvre petit moment tous les jours et je ne suis pas femme à y renoncer deux fois. C’est beaucoup trop d’une.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 237-238
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « cauchemards ».


10 juin [1848], samedi midi

De quelque manière que j’envisage mon refus de t’accompagner, je ne peux pas me l’expliquer autrement que par la folie ou par le sommeil. Dorénavant je te défends de rien me demander dans cet état mixte qui n’est pas la veille, qui n’est pas le sommeil et pendant lequel ma langue joue des tours affreux à mon cœur. Dans ce moment-ci je suis comme une Juju empoisonnée et je ne sais ce qui me retient d’aller t’attendre à ta porte. Si ce n’était pas la crainte de me faire remarquer et encore plus celle de te voir sortir accompagné, j’aurais été t’attendre. La leçon est un peu forte. J’espère qu’elle me profitera et que je n’aurai plus de caprices si biscornus et si désagréablement chers à mon cœur. Merci je ne suis pas assez riche en bonheur pour gaspiller celui qui s’offre à moi si rarement. Vraiment j’étais saoule ou folle quand je t’ai répondu cette nuit et tu n’aurais pas dû, en honnête homme, en abuser.
Tout cela est triste, mon pauvre bien-aimé, et tu ne saurais trop me plaindre, car je suis très malheureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 239-240
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Ce jour-là, Victor Hugo se rend pour la première fois à l’Assemblée constituante.

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