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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 avril [1848], lundi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto aimé, très aimé, trop aimé, bonjour. Je ne suis pas plus tôt levée que je voudrais déjà te voir. Je commence mes journées comme je les finis, en te désirant. Tu n’as pas de commission ni d’Assemblée aujourd’hui cependant je n’ose pas espérer que tu en viendras plus tôt. Je voudrais ne pas être grognon malgré l’envie que j’en ai. Je voudrais être très aimable mais à l’impossible aucune Juju n’est tenue, je ferais donc beaucoup mieux de me laisser aller à mon maussade naturel. Aussi bien tous les détours que je fais pour éviter de passer dans le pays de la grognonnerie ne servent qu’à m’y ramener, plus fatiguée, plus irritée et plus méchante que jamais. Ce n’est donc que du temps perdu et pas autre chose. Avec tout cela je suis triste et inquiète et je donnerais tout ce que j’ai de bon cœur, y compris les 15 francs 50 sous que tu me dois, pour être avec toi et tous les tiens bien loin de ce beau pays de France, de Caussidière et de ces délirants montagnards [1]. Pourquoi cela ne peut-il pas se réaliser ? Qu’est-ce qui nous retient ? Hélas… tout et bien encore autre chose.

Juliette

MVH, 8075-1
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux


24 avril [1848], lundi midi

Si tu venais de bonne heure mon adoré, j’irais chez le médecin au lieu de le faire venir chez moi ce qui est presque toujours un travail compliqué. En même temps je serais allée rue du Mouton acheter du papier, de l’encre et de la poudre car je manque tout à fait de provision de papeterie. Malheureusement je ne t’ai pas prévenu hier et je ne veux pas sortir sans que tu le saches. Surtout je ne veux pas manquer l’occasion de te voir si tu dois venir pendant que je serais sortie. J’aime mieux attendre et te voir et faudra d’ailleurs que tu me donnes de l’argent. Ah mais oui c’est que je suis très près de mes pièces. Le vin que j’ai bu tout ce mois-ci, mon indisposition et l’espèce de régime que j’ai suivi pendant huit jours ont épuisé mes finances. Il n’y a plus rien dans mes coffres et je suis obligée de faire rentrer mes nombreux capitaux épars à droite et à gauche. Vous êtes averti. Tâchez de ne pas me forcer à des mesures rigoureuses qui répugnent à la DOUCEUR et à la DÉLICATESSE de mon caractère. Baisez-moi avec tous les accessoires et aimez-moi avec tous les honneurs de la guerre. Je ne m’y oppose pas.

Juliette

MVH, 8075-2
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

Notes

[1Juliette Drouet fait ici allusion, non pas aux démocrates-socialistes, mais à la garde populaire formée par Caussidière durant la Révolution de février 1848.

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