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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 mars 1846

21 mars [1846], samedi matin, 8 h. ¼

Bonjour mon aimé Toto, bonjour mon adoré petit homme, bonjour toi comment vas-tu ce matin ? Moi je vais toujours t’aimant de plus en plus. J’attends un bain ce matin qui me fait bien la mine de ne pas devoir venir assez à temps. Je suis très femme à m’en passer aujourd’hui quoique mes dispositions soient prises pour cela. J’espère, mon Toto bien aimé, que je te verrai un peu plus aujourd’hui que tous ces jours derniers ? Je ne veux pas te tourmenter, Dieu le sait, mais je t’assure pourtant que je suis à bout de mon courage et de ma patience. Si tu n’as pas de Chambre aujourd’hui, donne-moi la préférence sur ton travail et tes affaires. Hélas ! je n’y compte pas, ce sera une surprise bien surprise et bien agréable si tu fais cela mais, je te le répète, je n’y compte pas. J’attends avec ce découragement que donne l’habitude d’attendre sans succès. Nous verrons si je suis plus heureuse cette fois-ci que les autres. J’en doute, j’en doute, j’en doute. J’ai oublié de te rendre les billets des camélias, il est vrai que tu pouvais t’en procurer autant que tu voulais, quant à moi je n’ai même pas pu user de cet innocent passe-temps. Le sort ne m’est pas plus favorable dans les niaiseries que dans les choses essentielles de ma vie. Tout cela est vrai mais n’en est moins que drôle et j’aurais plus de grâce à ne pas les faire remarquer et à ne te dire que les deux mots qui surnagent sur tous ces ennuis  : — je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 289-290
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


21 mars [1846], samedi après-midi, 3 h. 

Vraiment, mon bien-aimé, tu viendras me chercher tout à l’heure pour sortir ? Malgré l’assurance presque formelle que tu m’en as donnée tantôt en me quittant je n’ose pas y croire encore. Je ne me réjouirai que lorsque je serai bien sûre de mon bonheur. En attendant, j’attends et je me défie malgré moi. Du reste je suis prête et archi-prête. J’aurais pu même l’être quand tu es venu tantôt car je n’avais que mes papillotes à ôter. Ô si tu viens me chercher, mon cher petit homme, je ferai quelque folie en signe de joie et de bonheur. Je ne veux pas me préparer à l’avance pour ne pas détruire le charme d’une bonne promesse. Je veux n’avoir rien à me reprocher, pas même la joie anticipée, dans le cas où tu ne pourrais pas venir.
Je suis bien contente que Dédé ait pris cette pauvre Cocotte en amitié, maintenant je serai plus tranquille sur son sort et j’aurai moins de remords de ma mauvaise action [1]. Tu ne m’as pas dit à quelle heure tu viendrais me chercher de sorte que je ne peux pas fixer de terme à mon espoir et à mon impatience. J’aurais bien désiréª que ce fût tout de suite pour être plus longtemps avec toi et jouir du soleil et du beau temps en même temps que toi. Si de désirer ardemment était une chose attractive il y a longtemps déjà que tu serais revenu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 291-292
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « désirer ».

Notes

[1Juliette Drouet s’est débarrassée de sa perruche, dont les cris l’importunaient, en la donnant à Adèle, la fille de Victor Hugo.

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