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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 mars 1846

5 marsa [1846], jeudi matin, 9 h. 

Bonjour mon Toto, bonjour mon bien-aimé, bonjour mon petit homme sérieux, bonjour, comment vas-tu ? J’ai cru te voir triste et mécontent cette nuit mais je n’ai pas osé m’en assurer dans la crainte de me tromper et de te déranger de ton travail dans le cas où le nuage que je croyais voir n’eût été que de la préoccupationb l’esprit. Mon Victor chéri, je t’aime, ne sois pas triste, ne sois pas mécontent de moi car je fais humainement tout ce que je peux pour te plaire. Si je n’y parviens pas toujours c’est à mon insuc. Dis le moi alors afin que je redouble d’efforts mais ne me laisse pas deviner parce que je m’inquiète à tort et à travers. Voici le beau temps à peu près revenu. S’il persiste j’irai voir Claire. Je tâcherai de parler à Mme Marre si elle est chez elle et je lui dirai tout ce que tu penses au sujet de cet examen. Si tu pouvais m’y conduire, quel bonheur ce serait pour moi mais je ne l’espère pas. C’est aujourd’hui jour d’Académie et je ne pense pas que tu puisses avoir le temps de me conduire à Saint-Mandé [1] avant la séance. En sortant de la pension j’irai chez Mme Rivière si tu veux et ce soir Suzanne viendra m’y rechercher comme d’habitude, cependant je ne voudrais pas rien faire de tout cela avant de m’être entendue de nouveau avec toi et surtout avant de t’avoir embrassé et avant de m’être assurée que ce n’était pas contre moi que tu étais mécontent cette nuit. J’espère tu viendras tantôt avant d’aller à l’Académie et si c’est possible plus tôt, tout de suite même si ton cœur avait les mêmes besoins que le mien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 227-228
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « février », corrigé d’une autre main.
b) « préocupation ».


5 marsa [1846], jeudi soir, 10 h. ¾ 

Je ne veux pas me coucher, mon adoré bien-aimé, avant de t’avoir embrassé de la pensée et du cœur, avant de t’avoir remercié d’être venu me prendre chez Mlle Féau pour me faire faire cette bonne flânerie à tous les bric-à-brac du Faubourg Saint-Germain. Il est vrai que je paie cette bonne fortune en ne te voyant pas mais je n’en suis pas moins reconnaissante envers le bonheur passé.
Cher bien-aimé tu m’as promis de penser à moi ce soir et de ne regarder aucune femme au dessous de soixante-quinze ans. J’espère que tu tiendras ta promesse et que je n’aurai pas à ajouter au chagrin de ne pas te voir celui de te savoir infidèle. Je l’espère hélas sans y compter beaucoup car je vous sais très enclin à la curiosité dès qu’il s’agit de jolis visages. Aussi je tremble dans ma peau de Juju et je donne au diable toutes les jeunes toupies du monde civilisé et autre. Je ris quoique j’en aie peu l’envie, aussi toute cette plaisanterie n’est rien moins que drôle malgré que j’en [rie  ? aie  ?]. Je suis rentrée à 10 h. ¼. Je suis revenue en omnibus avec Suzanne parce qu’il pleuvait très fort quand je suis sortie de chez Mme Rivière. Du reste la soirée s’est passée bien tranquillement comme toujours. On ne comptait presque plus sur moi en voyant le temps et on a été très content quand on m’a vue. Du moins je le pense, moi. Je serais bien plus que contente si je te voyais tout à l’heure mais je n’aurai pas ce bonheur. Je t’envoie donc un bonsoir bien tendre mais bien triste en te priant de venir de bonne heure demain. Mille baisers.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 229-230
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Claire y est en pension.

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