Guernesey, 21 sept[embre 18]78, samedi matin, 7 h.
Cher grand bien-aimé, je voudrais que mon bonjour, tout plein de mon cœur et de mon âme, soit la santé, la joie, le bonheur et la bénédiction de toute ta journée ; je t’adore ! J’espère que tu as passé une longue et bonne nuit comme la mienne. C’est bien le moins après une journée si bien remplie. Cela me fait penser à te dire ce qu’elle a coûtéa, voiture à part, bien entendu : le tout, service quatre francs compris, 45 F. Nous étions dix à table et on a servi cinq bouteilles de vin, du thé, du café, de l’eau-de-vie. Je ne trouve pas la note exagéréeb. Qu’en dis-tu ? Et que dirais-tu si nous la recommencions à Richmondc Hôtel [1] lundi ??? Je soulève timidement cet énorme lièvre que tu es libre de laisser courir indéfiniment dans le champ des désirs indiscrets. Cela fait, je reviens à mon cher mouton qui, lui, se contente de bêler tendrement à la porte de ton cœur, en espérant que tu la lui ouvriras et la refermeras une bonne fois pour toutes sur lui. Moi, je l’espère aussi et je t’adore.
Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House [2]
Syracuse
Transcription Gérard Pouchain
[Barnett, Pouchain]
a) « coûtée ».
b) « exasgérée ».
c) « Richemond ».