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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 janvier [1846], mardi matin, 11 h. ½

Bonjour bien-aimé, bonjour adoré, bonjour toi, comment m’aimes-tu ce matin ? Moi je vous aime comme un chien et encore plus. Si j’étais sûre de passer cette belle journée avec vous je serais la plus heureuse des femmes. Malheureusement il n’en est rien, c’est ce qui me coupe ma satisfaction par le pied. C’est toujours avec un nouveau pied de nez que je remarque que mon tour d’être avec vous ne vient jamais. Soit que vous alliez dans le monde ou que vous restiez dans votre paletot de 2 francs. Soit qu’il fasse laid ou beau je n’en suis que plus en plus seule et oubliée. Cette entente pas trop cordiale finira par se gâter, je le sens.
Que faîtes-vous aujourd’hui, mon petit Toto chéri ? J’ai une démangeaison de sortir avec vous que le diable en prendrait les armes [1]. Cependant je vous avoue que je n’espère pas que vous……….. là [2], j’en étais sûre. Voilà que vous m’avez rentré mes cornes avec votre éternel : Si je ne [plusieurs mots illisibles] hélas ! pour [plusieurs mots illisibles] travaillez toujours [plusieurs mots illisibles]. Eh bien ! Je resterai chez moi. ATTRAPÉ ! Ça m’est égal d’ailleurs et je n’avais pas la moindre envie de m’accrocher à votre bras. Voime voime il est trop vert [3] et bon pour des goujatesª. Sur ce baisez-moi et laissez-moi croire à ma prochaine fortune avec toutes les [illis.] qui me favorisent [illis.] le moins qui [illis.]……… malheureuse [plusieurs mots illisibles] je sois heureuse à la loterie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 89-90
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « goujattes ».


27 janvier [1846], mardi après-midi, 4 h. 

Il paraît que vous travaillez mon petit Toto chéri, puisque vous êtes allé à l’Académie sans moi. Je suis assez naïve pour croire qu’il n’y a que cette raison péremptoire qui vous a empêché de me venir chercher. On n’est pas plus confiante et plus crédule que moi comme vous voyez. Je n’y ai pas grand mérite du reste car c’est pour m’empêcher de devenir enragée que je me cramponne à l’idée que tu ne peux pas faire autrement et que tu travailles jour et nuit sans interruption. Cependant si tu t’y étais prêté un peu j’aurais pu te conduire jusqu’à l’Institut et puis je serais allée t’attendre soit chez Mme Rivière soit chez Mlle Féau à ton choix. Soit encore de revenir toute seule comme une grande fille. Mais enfin puisque tu ne l’as pas voulu, tout ce que je dis là est parfaitement ridicule et inutile et puis je m’estimerai très heureuse si tu venais tout à l’heure en sortant de la séance. J’ai envoyé chercher du raisin à la halle. Il n’est pas trop vilain et je le crois bon. Ce soir tu me diras comment tu le trouves. Et [jusqu’au  ? puis au  ?] dernier grain. Maman a dit y faut que je descende de bonne heure. Voime, voime profond gueulard vous êtes de l’école de Résisieux, mais prenez garde que je ne sois de la fameuse école du père la gifle et que je ne vous en flanque une bonne dégelée sur votre auguste coloquinte de pair de France et de Navarre. C’est que j’en ai une fameuse envie et depuis très longtemps. Baisez-moi monstre d’homme et venez bien vite si vous tenez à vos beaux yeux et à vos magnifiques cheveux noirs.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 91-92
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Expression argotique de 1827 qui signifie « révoltant ».

[2Une ligne de pointillés se terminant par « là ».

[3Juliette réinterprète à sa manière la fable de La Fontaine « Le Renard et les raisins » pour se moquer de l’habit vert d’académicien dont Hugo est vêtu.

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