Paris, 11 mai [18]78, samedi matin, 10 h.
J’accepte, mon grand petit homme, ta proposition d’une grande promenade au bois de Boulogne aujourd’hui quoique le temps soit presque aussia goutteux que moi en ce moment-ci. Mais le désir que j’ai de revivre un peu de la vie d’autrefois côte à côte avec toi me donne tous les courages, y compris celui de sortir quand je peux à peine me traîner ici d’une pièce à l’autre sans presque jeter les hauts cris tant la sensibilité douloureuse de mon talon est grande. C’est égal, j’irai coûte que coûte. Le bonheur de passer deux heures à l’air libre et en tête-à-tête avec toi vaut bien quelques moments de souffrance.
Je t’ai envoyé la lettre très embarrassée d’Yves Guyot [1], très amère et presque agressive encore. Je doute que cet abaissement de pouces satisfasse assez tes amis pour t’engager à accepter de présider ce comité aux abois [2] ne sachant plus que faire de sa ridicule mascarade et revenant à toi vaincu mais non convaincu. Je t’ai envoyé aussi ta lettre à MADEMOISELLE JEANNE HUGO RUE DE CLICHY 21, timbrée du Sénat pour te laisser le plaisir de la lui remettre toi-même. Ai-je bien fait mon maître ? Oui, grosse Juju ! Ce satisfecit auguste, si vous daignez me l’octroyer de votre illustre bec, me comblera de joie pour toute la journée. Je l’implore, je l’espère, je l’attends dans l’attitude prosternée de l’adoration perpétuelle.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 123
Transcription de Chantal Brière
a) « presqu’aussi ».