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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 novembre [1847], dimanche matin, 8 h. ½

Bonjour, mon bien plus qu’aimé, bonjour mon adoré Toto, bonjour mon amour. À quelle heure es-tu rentré cette nuit ? As-tu un peu pensé à ta pauvre Juju ? L’as-tu bien regrettée ? Pour elle, elle s’est couchée le plus tard possible afin de penser plus longtemps à toi. Je me suis couchée à plus de onze heures. J’ai profité de ce temps-là pour faire mon COURRIERa. J’ai écrit à cette pauvre Eugénie et à mes bas-bretons [1]. Je me suis arrangée de manière à ne m’endormir qu’à minuit ; à l’heure à peu près où tu es rentré. Il me semblait qu’en ne me couchant pas, je faisais bonne garde autour de toi et que j’empêchais toutes les trahisons possibles d’approcher de toi, sous quelque forme que ce soit. Cette illusion que j’ai tâché de conserver avec soin jusqu’à mon sommeil m’a empêchée de me livrer au chagrin qui ne manque jamais de s’emparer de moi, chaque fois que je te sais loin de moi et en proie aux roucouleries [2] des femelles de toutes espèces. Demain je ne sais pas si mon illusion voudra fonctionner une seconde fois, [je m’y essaierai  ?]. D’ici là, je ne veux penser qu’au bonheur de te voir tantôt, et d’avance je te baise et je te caresse depuis un bout jusqu’à l’autre.

Juliette

MVH, α 8004
Transcription de Nicole Savy

a) « COURIER ».


14 novembre [1847], dimanche après-midi, 1 h.

Je n’ai rien à t’apprendre, mon doux adoré, et cependant il me semble que ma pensée et mon cœur sont pleins de nouvelles tendresses et d’adorations inconnues. Je t’aime comme le premier jour et comme je t’aimerai certainement le dernier de ma vie. Je sens que tout mon être est à toi depuis la douleur jusqu’à la joie, depuis le souffle jusqu’à l’âme. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Je voudrais que tu puisses venir de bonne heure afin de profiter de ta douce présence. Il n’est que trop probable que j’aurai Mme Triger et son fils aujourd’hui. Il faudra que, bon gré mal gré, je reste auprès d’eux sous peine d’impolitesse. Aussi, mon Victor, je voudrais de toutes mes forces que tu viennes tout à l’heure pour me donner le temps de te voir, de te toucher et de m’imprégner de toi. Songe que demain je ne te verrai presque pas à cause de ton spectacle [3]. Pense à cela, mon bien-aimé, et viens bien vite me rabibocher car je suis plus près du découragement et de la tristesse que de la confiance et du bonheur. Pourtant je t’adore à deux genoux.

Juliette

MVH, α 8005
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1La sœur et le beau-frère de Juliette, les Koch, vivaient à Saint-Renan, près de Brest.

[2Chant langoureux. Équivalent de « roucoulades ».

[3À élucider. Victor Hugo a-t-il décalé sa sortie à Cléopâtre de Delphine de Girardin, où il devait aller le 13 novembre ? Y est-il retourné le 15 ?

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