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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 mars 1848

24 mars [1848], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, beau-jour et bonheur à toi et à tous les tiens. Je te remercie du fond de l’âme de ta bonne petite apparition d’hier au soir. Il y a des cas où une goutte d’eau est un bienfait, il y a des moments où une goutte d’amour est un trésor de joie. Je te remercie avec reconnaissance et adoration des quelques minutes de bonheur que tu m’as apportéesa hier. Je voudrais pouvoir les convertir pour toi en autant d’années de prospérité et de gloire.
Comment vas-tu, mon Victor adoré ? Es-tu moins tourmenté sur ton frère [1] et sur toutes les autres affaires qui te préoccupent et t’inquiètent dans l’avenir ? Mon impatience me fait espérer des choses impossibles en aussi peu de temps car ce ne sont pas quelques heures qui peuvent apporter un grand changement et beaucoup de sécurité à des circonstances aussi graves et aussi alarmantes que celles qui nous enveloppent de toutes parts depuis plus d’un mois [2].
Cher adoré, pardonne-moi de te parler politique. Dieu sait que c’est à mon corps défendant et qu’il faut que je sois bien poussée à bout pour me permettre ce sot passe-temps. J’aime mieux t’aimer et te baiser et ad vitam aeternam.

BnF, Mss, NAF 16366, f. 113-114
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « quelques minutes de bonheur que tu m’as apportés ».


24 mars [1848], vendredi, midi ¾ 

Je t’ai demandé ton heure hier, mon bien-aimé, parce que je voulais ne pas perdre une seule minute du temps que tu pourrais me donner aujourd’hui. Du reste ce que je vais faire chez Mme Tissard ce soir est très nécessaire car je manque de chemise au physiquea et au MORAL c’est-à-dire que je n’ai même pas de quoi remplacer la feuille de figuier de la mère Eve. Comme il faut que je gagne moi-même mes vingt-cinq sous par jour DIX HEURES de travail, il est important que je m’y prenne d’avance pour ne pas me trouver en toilette trop PROVISOIRE d’ici aux élections. Je vous assure que mon trousseau ne pourrait pas tenter la moins modeste des citoyennes de la République à moins qu’on ne change la devise de la susdite et qu’on yb apporte cette petite modification, liberté, NUDITÉ, égalité et pas de feuilles de vigne. Je continue mon petit commerce de RIZ, PAIN, SEL, [EAU  ?] MAIGRE et je vous assure qu’en somme ce n’est pas la MER À BOIRE. Je compte même me retirer sur la PÊCHE en EAU TROUBLE pour relever un peu mes finances qui sont aussi malades que celles de ce pauvre gouvernement provisoire. Je me forcerai à me faire des dons volontaires sur l’autel de MA PATRIE, je me ferai ACCEPTER du [9/00 ?] à 50 francs et du [5/00  ?] à [3 sous  ?] Toto fortune complètec pour Juju.

BnF, Mss, NAF 16366, f. 115-116
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « phisique ».
b) « qu’on n’y apporte ».
c) « complette ».

Notes

[1Cette allusion à Abel Hugo reste à élucider.

[2La Révolution de février 1848 a relancé brutalement les difficultés économiques dont souffrait la France depuis 1846. Les riches actionnaires, effrayés par l’agitation de la rue, ont cessé d’alimenter l’épargne nationale et ont retiré leurs fonds des banques, paralysant ainsi l’économie française.

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