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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mars 1848

7 mars [1848], mardi matin, 8 h. 

Bonjour, mon doux petit homme, bonjour, mon cher amour adoré, bonjour des yeux, des lèvres, de la pensée, de l’âme et du cœur.
Je viens de chercher l’adresse de ce M. J. Breton que j’ai eu toutes les peines du monde à retrouver dans ce hourvaria de lettres de toutes sortes. Enfin j’en suis venue à bout, ça n’a pas été sans bougonner et sans attraperb une petite onglée au bout de mes doigts et de mon nez. Ces braves gens-là devraientc toujours mettre leur adresse au bas de leurs lettres car il va s’en dire qu’on ne peut pas faire état de les savoir par cœur. Quant à moi je suis furieuse d’avoir farfouilléd dans tous ces vieux papiers pendant une heure. VIVE LA RÉPUBLIQUE. Ceci est pour ne pas plagier le mot historique du fameux Cambronne. Et puis c’est plus ACTUEL. Tout cela n’empêche pas le soleil de montrer ses cornes et les arbres leurs petits bourgeons verts. Cela ne m’empêchera pas non plus de vous dire votre fait et de vous demander de l’AUGMENTATION DE SALAIRE. Je veux beaucoup moins d’embêtements et infiniment plus de Culottes ou la MORT et ceci dans le plus bref délai et tout de suite. Il y a assez longtemps que je TRIME pour beaucoup moins que rien. Maintenant je m’insurge et je veux TOUT. Ah ! mais c’est comme j’ai l’honneur de vous le dire. Ainsi préparez vos moyens ordinaires et extraordinaires si vous ne voulez pas voir figurer ma CORPORATION et mon DRAPEAU à l’Hôtel-de-Ville demain. Jusque-là je consens à me taire sans murmurer et même à ne pas chanter la Marseillaise ni le chœur des Girondins.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 87-88
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « ourvari ».
b) « attrapper ».
c) « ces gens-là devrait ».
d) « farfouiller ».


7 mars [1848], midi ½

C’est comme un fait exprès. J’ai un mal de tête hideux aujourd’hui, cependant j’aurais désiré ne pas apporter une figure grippée et grognon chez ces braves Triger, tous si cordiaux pour moi.
Peut-être cela se passera-t-il tantôt et je n’en ferais aucun doute si j’étais sûre que tu viendrais bien avant cinq heures et si je pouvais espérer que tu viendras me chercher ce soir. Je sens que je t’importune de mes exigences, mon cher adoré bien-aimé, et que j’ajoute à tous tes ennuis cela de ne pouvoir pas me satisfaire. Je voudrais pouvoir me taire mais cela sort d’abondance de moi-même et malgré moi : tu es si bien tout ce que j’aime, tout ce qui me plaît, tout ce que j’admire, tout ce que je vénère, tout ce que je désire et tout ce que j’adore que lorsque tu me manques, tout me manque et que je ne sais plus que faire de ma vie.
Si tu pouvais tantôt me conduire jusque chez Mme Triger, ce serait une grande joie pour moi. Il fait un temps charmant et qui serait un temps d’amour et de bonheur si tu pouvais me donner quelques instants de causerie et de promenade. Hélas ! je n’y compte pas et je ne t’en veux pas, loin de là, mon bien-aimé, je te plains ou plutôt je nous plains tous les deux et je fais des vœux intéressés et ardents pour que cet état de choses finisse et que nous retrouvions bientôt quelques beaux jours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 89-90
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

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