Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1841 > Août > 28

28 août [1841], samedi soir, 6 h. ¼

Je vous fais faire à dîner, mon cher amour, avec la triste conviction que vous ne le mangerez pas car j’ai la presque certitude que vous êtes à Saint-Prix aujourd’hui [1]. Ce sera donc une bien grande surprise et une plus grande joie encore si je me suis trompée, ce que je n’ose pas espérer. Je me suis habillée et coiffée à tout événement dans tous les cas où par impossible vous viendriez nous [2] prendre pour nous mener à Ruy Blas ce soir [3]. Hélas !!! hélas !!! hélas !!! et trois millions de fois hélas, ça n’est guère probable et voilà bien des précautions inutiles mais c’est égal, mon cher adoré, je dois te dire que tu es mon bonheur, ma joie, mon soleil et ma vie car c’est la sainte vérité devant Dieu.
Jamais tu n’as été si éblouissant de beauté, de bonté et de génie, c’est une transfiguration complètea. Je te regarde, je t’admire et je t’adore. Laisse-moi te dire cela, mon bien-aimé, de loin et de toute la passion et toute la ferveur de mon amour. Quand tu es là, je n’ose pas te dire ni te montrer mon amour dans toute sa grandeur. Bien souvent je suis tentée de baiser tes pieds et je me fais violence pour ne baiser que tes belles petites mains si blanches, si pures et si divines. Il me semble que, quelle queb soit la distance qui nous sépare dans ce moment-ci, tu dois sentir et rayonner autour de toi et au-dessus de toi quelque chose de l’amour sublime qui me remplit le cœur. Mon Toto bien-aimé, ne te moque pas de moi si dans mon ardeur je dis des mots qui ne sont pas bien et si je mets la charrue devant les bœufs. Je suis une pauvre bête à bon Dieu qui ne sait que t’aimer et t’aimer, tout le reste n’existe pas pour moi. Je t’aime mon Toto. Jour Toto, jour mon cher petit [o ?]. Je te dirai l’âge du capitaine Lambert [4].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 181-182
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « complette ».
b) « quelque ».

Notes

[1Pendant l’été 1841, les Hugo ont loué à Saint-Prix, dans le Val-d’Oise, un appartement meublé de la mi-juin à la mi-octobre, et le poète y passe du temps de juillet à octobre pour terminer la rédaction du Rhin.

[2Claire, la fille de Juliette, est chez elle depuis le jeudi précédent. Pensionnaire d’un établissement de Saint-Mandé, elle vient souvent passer les fins de semaine chez sa mère.

[3Ruy Blas a été reprise à la Porte-Saint-Martin le mercredi précédent, le 11 août 1841, avec Frédérick-Lemaître et Raucourt. Ce sera un succès et Juliette a assisté à la première représentation.

[4Plaisanterie de Victor Hugo à Juliette qui revient à plusieurs reprises aux mois de juillet, août et septembre.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne