Paris, 23 février [18]78, samedi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je souhaite que tu aies passé une aussi bonne nuit que la mienne et que tu te portes aussi bien que moi ce matin. J’étais levée dès la piperette du jour [1], sept heures, humant l’air frais et doux par ma fenêtre ouverte tout en remerciant Dieu de me donner ce petit regain de santé et de jeunesse pour mieux fêter dans trois jours la fête de ta naissance adorée et bénie, pendant que mes petits convives ailés font noces et festins sur le rebord de ma fenêtre en s’appelant joyeusement. Je viens d’envoyer à la poste ta lettre à Mme Edgar Quinet et de lire dans Le Bien public que m’a envoyé Mme Pierre Véron un entrefilet sur ta promotion probable et prochaine au Grand cordon de la Légion d’honneur. Elle m’en avait parlé quand elle est venue, et, comme je lui disais que j’ignorais cet article, elle a eu la gracieuseté de me l’envoyer ce matin. Je ne sais pas ce qu’il y a de vrai dans cette nouvelle mais ce que je sais c’est que j’ai la même indifférence que celle de Royer-Collard pour la ducherie du chancelier Pasquier [2]a. « C’est très bien, c’est très bien, ça ne peut pas vous faire de mal » [3]. Je me prépare à t’accompagner demain à l’inauguration de Ledru-Rollin [4]. J’ouvre déjà mes oreilles et mon cœur tout grands pour recueillir les grandes paroles que tu diras et que la foule écoutera comme moi avidement et avec admiration, vénération et adoration.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 52
Transcription de Chantal Brière
a) « Pâquier ».