Guernesey, 12 juillet 1856, samedi après-midi, 3 h. ½
Mon amour est la branche à laquelle je me rattrapea en toute occasion, mon cher petit homme, aussi bien pour braver les embêtements de la vie que pour narguer les maux du corps ; témoins aujourd’hui si je ne t’aimais pas plus que tout, je me serais couchée bien malade et je me laisserais aller à une colère monstre contre cette stupide Suzanne qui se donne le genre de ne pas me donner de nouvelles de mes affaires. Heureusement que je t’aime plus que tout cela ne m’intéresse, CORPS ET BIENS, et que je me fiche de tout pourvu que je t’aime. Telle est ma force, et vous ? Il est probable que vous êtes dans votre Versailles [1] à surveiller vos travaux. Quant à moi, je n’ai que la tête à tourner pour voir qu’on me bâtit ma maison dare-dare malgré la pluie et le vent. Je ne m’en plains pas quoique ce soit un double emploi de loyer pendant quelques mois. Mais d’un autre côté, j’économiserai quelques rhumatismes, ce qui est à considérer, et puis il dépend de vous que ma journée, commencée si mal, s’achève dans le sourire et dans le contentement du cœur et de l’âme en venant me voir bientôt. En attendant, je vous aime comme un diable.
Juliette
Bnf, Mss, NAF 16377, f. 193
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette
a) « rattrappe ».