17 juin 1856

Guernesey, 17 juin 1856, mardi après-midi, 4 h. ½

Ce n’est pas une raison parce que vous avez été bien gentil tantôt en vous venant me voir cinq minutes pour être un monstre ce soir en ne venant pas du tout : cela serait d’autant plus hideux que vous avez du monde ce soir et que vous jouerez DU tonneau [1] ou DU loto jusqu’à extinction de chaleur ANIMALE. Tiens si c’était vous….^a dont j’ai l’âme occupée ?

6 heures

Ce n’était pas vous, hélas ! du reste je ne sais pas pourquoi je vous désire tant et pourquoi je vous aime tant. Pour ce que vous me le rendez, ça n’est vraiment pas la peine. Sans compter que votre pendule phénoménale a dû être montée par le même horloger CHAUMONTEL qui vous a donné de si beaux coups de griffes, si j’en juge par le temps qu’il y a mis. Tout cela pousse peu à la restitus, je vous prie de le croire, aussi j’ai plus envie de vous flanquer des gifles que de la rhétorique. Taisez-vous car je suis furieuse et je n’ai pas de collier à plaque. À ce sujet j’entends Suzanne qui glapit dans le corridor sur l’incongruité de Môsieur Casenave [2] qui a fait toute espèce de sottises qu’il faut qu’elle nettoie^b. Décidément les chiens ne valent pas mieux que les hommes, quoi qu’ils soient aussi malpropres. Avisez-vous de ne pas venir de bonne heure ce soir et vous verrez si mes ongles sont à la hauteur de ceux de votre…HORLOGER.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 175
Transcription de Chantal Brière

a) quatre points de suspension.
b) « nétoye ».