Paris, 13 déc[embre 18]70, mardi midi
Cher bien-aimé, mon cœur proteste de toutes ses forces contre le vilain chiffre d’aujourd’hui, contre la maussaderie de la saison et contre la tristesse de la terrible situation où nous sommes. Je tâche, à force d’amour, de te préserver de tout malheur et je charge mon âme de se fondre pour toi en rayons et en sourires pour te faire oublier l’absence de soleil et pour te cacher le deuil de notre pauvre pays. J’interromps un moment pour donner audience à Petite Jeanne : oh Papa ! Papaa !! Papaaa !!! la chère petite te cherche partout des yeux et semble tout inquiète de ne pas te voir. Pendant ce temps-là la nourrice me demande si le piano de ton musicien est enfin arrivé et me prévient que tu auras granda festival musical chez toi ce soir. L’annonce de ce divertissement médiocre me consterne au point de me faire désirer quelque bon prétexte pour m’excuser d’en être ce soir. Je ne suis pas Tircis [1] mais je trouve que le temps est venu pour moi de faire la retraite. En attendant il faut, bon gré, mal gré, que je m’occupe de faire préparer le feu dans le grand salon et deux lampes sans compter les bougies. Quant aux gâteaux c’est l’affaire de Mme Charles qui s’y entend très bien. Je t’adore.
MLVH Bièvres, 130-8-LAS-VH 9 a, b et c
Transcription de Gérard Pouchain
a) « grande ».