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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 mai 1856

Guernesey, 15 mai 1856, jeudi midi

Conviens, mon petit Toto, que je n’ai guère de chance, pour une pauvre petite soirée que tu me donnes de temps en temps, il faut que j’aie une migraine insensée, que la gêne et l’ennui sous la forme de Cahaigne [nous ?] barbouille notre pauvre Balthazar et enfin pour couronnement que tout ton monde soit vexé et grippé contre toi parce que tu as résisté à un caprice taquin et misérable dans lequel il entrait plus de désir de m’humilier et de me contrister que celui de t’avoir. Tout cela le même jour à la fois tant il est vrai que le bonheur a peu d’attraction pour moi. Sans nier l’existence de Dieu, je suis cependant bien autorisée à douter de sa justice et de sa bonté pour moi car depuis que j’existe il m’a octroyé les malheurs sans compter et le bonheur avec une parcimonie qui déshonorerait un avare humain. Laisse-moi le dire tout haut, c’est le seul soulagement qu’il me permette et j’en use. Cela fait du bien quand on souffre de se plaindre et de s’épancher par la parole et par les larmes. C’est ce qui m’arrive dans ce moment-ci. Tu es cependant bien bon pour moi, mon pauvre grand adoré, mais ta bonté ne saurait l’emporter sur le mauvais vouloir de Dieu qui ne veut pas que je sois heureuse dans ce monde. Mon cœur t’en garde une tendre reconnaissance à défaut de bonheur, mon cher adoré, et je ne t’en aime qu’avec plus de foi et d’espérance dans l’autre vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 147
Transcription de Chantal Brière

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