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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 16 novembre [18]70, mercredi soir, 4 h. ½

J’espérais que la journée apporterait un peu de soulagement à mon mal de tête et j’ai même été acheter ton coutil, pensant que le grand air me ferait du bien, mais inutilement. Je suis toujours logée à la même migraine.
Donc, mon pauvre cher bien-aimé, il faut que j’en prenne mon parti et toi aussi car rien n’est plus embêtant qu’une femme qui se plaint toujours. Autre guitare, as-tu pensé à me dégager de Mme Ugalde [1] ? J’espère que la bonne Mme P. Meurice [2] t’aura aidéa dans cette tâche assez délicate, mais absolument nécessaire à l’état de ma santé et… le reste qui n’existe plus. Donc demain, pas de Mme Ugalde, au moins pour ce qui me concerne. Je crois que si tu prends la peine de lui expliquer ta grande et adorable Patria elle la chantera à merveille [3]. Telle est ma conviction. C’est un bien grand et bien humiliant regret pour moi, mon ineffable adoré, d’être forcée de renoncer à l’honneur de t’interpréterb pour si peu que ce soit. Mais mon respect pour ta personne et pour ton œuvre ne me permet pas de risquer une parodie de cet hymne sublime ni de caricaturer celle que tu honores de ton amour depuis trente-huit ans. Je suis sûre que tu m’approuves et je t’en remercie du fond du cœur. Je n’ai pas vu les enfants mais j’ai entendu leurs petits cris joyeux toute la matinée. J’attends avec impatience le moment où tu m’ouvriras leur porte. En attendant, je t’ouvre les bras et le cœur et je t’adore.

Galerie Arts et Autographes (expert Jean-Emmanuel Raux), catalogue n° 68, octobre 2013
Transcription de Florence Naugrette

a) « aider ».
b) « inprêter ».

Notes

[1Delphine Ugalde (1829-1910), comédienne et chanteuse.

[2Palmyre Granger (1819-1874), femme de l’écrivain ami de Hugo Paul Meurice, était une pianiste renommée.

[3Lors d’une audition de poèmes patriotiques à la Porte-Saint-Martin où de grands acteurs (Mlle Duguéret, Lafontaine, Frédérick-Lemaître, Lia Félix, Mlle Favart, Berton, Marie Laurent) avaient lu ou chanté des textes de Hugo, Mme Gueymard-Lauters avait déjà chanté le 5 novembre « Patria », poème des Châtiments paru dans la nouvelle édition de 1870, sur une musique de Mélesville d’après une suite d’accords attribués à Beethoven, qui forment le carillon de Saint-Petersbourg. Hugo, pourtant averti par Saint-Saëns de l’identité du musicien auteur de l’air, persistait à le faire passer pour une musique originale de Beethoven. Semblable soirée se prépare à la Comédie-Française, pour le 25 novembre. Lors de cette soirée, Mlle Favart jouera un extrait de doña Sol dans le cinquième acte d’Hernani, et lira « Stella » (Châtiments) ; Mme Laurent jouera un extrait du dernier acte de Lucrèce Borgia, et Mme Ugalde chantera « Patria ». Il arrivait parfois à Victor Hugo de demander à Juliette Drouet de chanter elle-même « Patria » à la fin des repas. [Remerciements à Gérard Pouchain pour cette note.]

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