Guernesey, 10 août [18]64, mercredi, 7 h.
Je viens de saluer votre cher petit pavillon de 21 milliers de coups de baisers et je vous en envoie autant à vous personnellement, mon grand petit homme. Tout cela pour faire honneur à votre majesté que j’adore. Je continue de me mieux porter et j’ai passé une quasi bonne nuit. Je vais prendre un good bath tout à l’heure et puis je me reposerai sur mes médecines. Mais toi, mon pauvre bien-aimé, qui t’occupe tant et beaucoup trop de moi, comment vas-tu et comment la nuit ? Tu as très peu mangé hier et tu paraissais fatigué. Est-ce que tu souffres, mon cher petit homme ? J’espère que non car cette pensée suffirait à me tourmenter jusqu’à m’ôter tout courage pour demain. Oh ! le vilain demain et le vilain après-demain, que je voudrais donc qu’ils fussent déjà tombés dans le gouffre de l’arriéré pour n’avoir plus à les craindre. En attendant je tâche de me comporter comme une vaillante qui n’a peur de rien. Une vraie louve de mer. Hélas ! Hélas ! Hélas ! Mais on ne s’y trompe pas, le vent de la mer souffle dans sa trompe [1]. On m’appelle à cor et à cri pour mon bain. Je me hâte de te donner tout mon cœur et toute mon âme. Quant à mon corps, le gnomea de la grotte de Han [2] n’en voudrait pas pour deux sous, aussi je ne te l’offre pas car tu as le droit d’être plus difficile que lui.
BnF Mss, NAF 16385, f. 212.
a) « corps de gnôme ».