Mon Victor, je t’aime – Je pense sans cesse à toi – À toutes mes actions se jointa ton souvenir – qui me donne le courage de supporter ton absence – J’espère bien que malgré cette cruelle séparation – nos existences ne se désunissent pas – et ne peuvent se désunir – Il y a entre nous un pacte saint et sacré que rien ne pourra rompre, n’est-ce pas – ?
Je t’écris en revenant de la répétition parce que je voulais te mander comment Harel avait pris mon refus de jouer Bergami dimanche [1]. Je l’ai trouvé plus raisonnable que je ne m’y attendais – Je ne jouerai donc pas dimanche cette dégoûtante rapsodie –
Je suis sortie hier depuis quatre heuresb jusqu’à cinq – puis j’ai dîné, je suis alléec ensuite au théâtre à 6 h., enfin je suis revenue le soir avec ma femme de chambre, j’ai soupé solitairement, je me suis couchéed bien triste, j’ai espéré te voir jusqu’à 1 h. du matin ––––e
Je me suis levée à neuf heures, je t’aurais écritf de suite si je n’avais jugé devoir te rendre compte de l’issue de la répétition –
Adieu, à ce soir je l’espère car je t’aime tant. Je suis triste, inquiète et jalouse –
Je t’aime tous les jours davantage.
Juliette
[Adresse]
4e
Pr Victor
BnF, Mss, NAF 16322, f. 50-51
Transcription de Jeanne Stranart et Véronique Cantos assistées de Florence Naugrette
a) « joinds ».
b) « heure ».
c) « allé ».
d) « couché ».
e) Le trait court jusqu’à la fin de la ligne.
f) « écris ».