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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 octobre [1838], vendredi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon petit homme, il paraît que tu as encore passé toute la nuit à travailler ? Pourvu que ta santé et tes chers beaux yeux y résistent, c’est tout ce que je demande.
Voici la saison revenue d’être malheureux, aussi je m’affermis sur mes étriers car je sens que ça se prépare encore plus tristement pour nous que les années précédentes.
Pauvre ange adoré, je n’ose pas me plaindre en pensant à tout ce que tu fais et à tout ce que tu dois souffrir. Cependant j’ai d’affreux maux de tête. Le régime que je suis m’est tout à fait propice. Je ne sors pas une fois tous les huit jours, et encore est-ce en omnibus.
Je te dis cela pour t’expliquer l’engourdissement et l’humeur noire que j’ai presque toujours. Aujourd’hui par exemple, je suis dans un accès de tristesse et de découragement qu’il m’est impossible de dompter. Je te demande pardon mon bon ange. Je te demande pardon car je n’ai pas le droit d’être lâche et sans résignation devant ton dévouement si sublime et si admirable. Apporte ta jolie petite tête que je la baise. Bonjour, mon adoré. Bonjour mon petit homme, aime-moi, et ménage tes yeux bien aimés.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 63-64
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette


19 octobre [1838], vendredi soir, 5 h. 45

Voici une journée bien triste pour moi mon ami. Jamais je n’ai été plus atteinte de maladie de l’absence, de l’ennui, du chagrin, et des autres mélancolies qui s’ajoutent à une position comme la mienne.
Autrefois, auparavant d’aller à ta répétition, tu venais me voir, ne fût-cea qu’une minute. A présent c’est tout ce que je peux espérer, de te voir une heure, le soir, le temps du souper.
Je sais que j’ai tort de me plaindre, mais je ne peux pas m’en empêcher. Je souffre et je m’ennuie.
J’ai cependant eu la visite des deux Gérard, mais ce n’est pas là qu’est mon mal, aussi ne l’ont elles pas guéri, au contraire, car j’ai été forcée de donner 10 F. pour un bonnet dont je n’ai guère envie aujourd’hui, et qui ne me servira pas si le présage de la pendule se réalise ce soir.
Du reste, comme je n’avais pas d’argent, c’est la bonne qui a avancé, et comme elle en a très peu, il s’en suit que nous sommes sans un sou à la lettre. Si tu ne viens pas assez à temps, on ne pourra pas acheter ton souper, si tu soupes toutefois.
Cependant, je dois ajouter que ça n’a aucune influence sur mon humeur. Si je suis triste et découragée, c’est parce que je t’aime trop et que je ne te vois pas assez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 65-66
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».

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