Guernesey, 3 février 1857, mardi après-midi, 3 h.
Cher petit homme, je voudrais ne pas vous aimer, ne fût-cea que le temps d’une restitus, pour varier une fois dans ma vie le thème monotone de : JE T’AIME. Mais puisque cela ne se peut pas il faut bien que vous en preniez votre parti et moi aussi au risque de vous en mettre par-dessus les yeux de ce pauvre doux amour éternel. Je ne vous demande pas quand je vous verrai car vous n’en savez rien vous-même et cela dépend peut-être aussi du plus ou moins d’entrain de vos ouvriers [1]. Quant à moi, je n’ai rien de mieux à faire que de vous aimer en vous attendant, ce que je fais avec une activité de Danaïde emplissant son tonneau sans fond. Pendant ce temps-là, Suzanne est allée nous cueillir une salade de pissenlits pour demain. Voilà, mon cher petit homme, la situation physiqueb et morale de votre pauvre Juju. Tâchez d’y introduire un peu de bonheur si vous pouvez avant ce soir. Jusque là je vous baise in extenso.
BnF, Mss, NAF 16378, f. 28
Transcription de Chantal Brière
a) « fusse ».
b) « phisique ».