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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 juillet [1838], vendredi matin, 10 h. ½

Bonjour mon petit homme bien-aimé, comment vas-tu mon Toto ? Je pense à toi, je t’aime, je te désire. Je t’attends mais sans espoir car je sais que vous avez repris vos ailes, mon poète, et votre vol dans les cieux. Moi, je suis restée bêtement à terre pour ne pas démentir mon origine toucane ou touquane si vous l’aimez mieux, me reposant tantôt sur un pied et tantôt sur un autre, cachant tristement mon énorme amour dans le fond de mon cœura. J’espère que le portrait est assez ressemblant. Si vous n’êtes pas content, c’est que vous êtes envieux, mon bel aigle, du bel oiseau ravissant dont je vous ai fait l’image. Je t’aime, je n’ai pas la moindre envie de rire, ainsi que tu peux le voir d’après la vignette ci-contre. Je t’aime, je te désire, je compte les minutes non pas d’après l’appréciation ordinaire mais pour l’impatience et le besoin de mon cœur, ce qui fait que chaque seconde me semble un siècle et une journée entière une chose qui n’a pas de nom dans nos calculs humains. Je t’aime trop, c’est de plus en plus [vrai ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 21-22
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain

a) Dessin de toucan en bas de la page :

© Bibliothèque Nationale de France

6 juillet [1838], vendredi soir, 6 h. ¼

Je continue de vous aimer et de toucaner de toutes mes forces, mon Toto. Je reconnais pourtant que vous avez été bien bon et bien ravissant en faisant une apparition tantôt dans mon désert. Le bonheur et le courage que cela m’a donné devrait vous engager à en user plus souvent avec moi de cette bonne petite façon de visite. Je sens que depuis que j’ai pris l’emploi du grand casoar [1] au physiquea, ma stupidité augmente en proportion de sorte que je ne peux mettre ni une patte, ni une idée l’une après l’autre, c’est gentil. Décidément j’aimerais mieux être plus spirituelle sans cesserb d’être toucane. J’ai mal à la tête, j’ai mal dans le cœur, c’est plus qu’il n’en faut pour me confire dans ma bêtise. Je vous aime, ce qui complique la chose indéfiniment ? Soir pa soir man, pardonnez-moi d’être si bête et défendez-moi de vous aimer trop comme je le fais tous les jours. Tachez en outre de m’apporter votre jolie petite tête à baiser durant mon dîner et pensez un peu à moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 23-24
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain

a) « phisique ».
b) « cessé ». 

Notes

[1Casoar : grand oiseau coureur de l’Australie et de la Nouvelle-Guinée, dont la tête est surmontée d’une sorte de casque corné.

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