Guernesey, 26 juillet [18]73, samedi matin, 8 h. moins 10
J’ai encore perdu la première partie de ton entrée dans le soleil, mon cher adoré, mais je me contente à plein cœur de la petite part de bonheur que je viens de happer au passage. Une chose pourtant me chiffonne un peu cette joie, c’est l’heure à laquelle tu viens de te lever. Tu t’étais tant promis de te lever dès patron-minette aujourd’hui, et tu es si sévère envers toi pour ces choses-là, que je me dis qu’il faut que ta nuit ait été bien mauvaise pour que tu te sois manqué de parole. Je désire me tromper, je l’espère, même, et je t’approuve dans tous les cas de t’être INDULGE ce matin. Moi je n’ai pas eu de raison de le faire parce que j’ai très bien dormi ; aussi j’ai déjà commencé ma journée en payant ce que je devais à Suzanne et en préparant l’argent à donner à nos divers maçon, peintre et charpentier, tapissier et marchand de charbon. Ce soir il ne restera pas grand chose de la grosse somme que tu m’as remise. À propos les [illis.] acceptent avec reconnaissance la place chez toi pour leur fille, seulement elle ne pourra y entrer que de lundi en huit 4 août. Il ne me reste que la place pour t’adorer.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 226
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette