Guernesey 24 mai [18]73, samedi matin, 7 h.
Je ne te demande pas comment tu as passé la nuit, mon pauvre grand bien-aimé, je la connais par la mienne et je ne t’en fais pas mon compliment. Tu as eu comme moi l’agitation d’un malentendu dont nous sommes innocents tous les deux quoique nous en ayons été blessés tous les deux en même temps. Nous avons eu beau le reconnaître tout de suite et nous le pardonner mutuellement, la commotion douloureuse et triste n’en a pas moins persisté pour moi jusqu’à ce moment-ci. Je compte qu’elle s’évanouira tout à fait pendant la promenade de tantôt dès que je t’aurai revu et embrassé. Il en a fièrement menti le proverbe qui dit : « la bonne volonté est réputée pour le fait. » Ni bonne volonté, ni fait ne m’ont réussi hier car il est impossible d’avoir médité une fête avec plus d’amour et de l’avoir ratéea plus complètement hier. Heureusement que la joie de Petit Georges et de Petite Jeanne ne dépend pas de la mienne, c’est-ce qui me console en même temps que je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 153
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « raté ».