Guernesey, 17 septembre 1861, mardi, 9 h. du matin
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, avec tout ce que j’ai de plus tendre, de meilleur, de plus doux et de plus confiant en moi, bonjour. Je te bénis, je te souris, je t’adore. Je viens de voir passer ton cher petit Toto qui allait à son bain avec l’air heureux d’un homme qui se sait ton fils et qui sent qu’il en est digne. Je m’exprime mal, selon ma pauvre habitude, mais je m’entends malgré mes méchantes oreilles. Du reste, mon cher adoré, je crois que je pourrai profiter de l’offre si charmante de vous accompagner tantôt dans votre promenade au bord de la mer. Il faudrait que je fusse en bien mauvais état, et tout à fait empêchée, pour me priver de ce plaisir, le dernier peut-être de la saison, du moins en compagnie de ton fils. Donc je vais tout à l’heure secouer mon rhume et tout ce qui s’ensuit et me préparer d’avance tout doucement pour midi, heure des Totos qui n’est pas précisément l’heure militaire. Comment vas-tu ce matin mon cher petit homme ? Tu n’as pas encore ouvert ta fenêtre. J’espère que c’est bon signe et que tu dors encore comme un bon petit loir. Ah ! justement voilà que tu apportes tes oreillers et tes couvertures à l’air. Je te fais des signes que tu n’aperçois pas… Cher bien-aimé nos deux âmes viennent de se toucher dans le regard que nous avons échangéa et nos baisers télégraphiques sont arrivés à leur adresse. Je suis heureuse je t’adore. Je te bénis à genoux.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 99
Transcription de Florence Naugrette
[Souchon]
a) « échangés ».