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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 2 janvier [18]73, jeudi matin, [ ?] h. ¾

Tu as encore mal dormi cette nuit, mon pauvre bien-aimé. Cette pensée et la crainte que tu ne te fasses mal en restant longtemps dans l’humidité comme tu viens encore de le faire par bonté pour moi me gâte le bonheur que j’ai à te voir tous les matins. De plus il m’est venu un souci tout à l’heure. À force de lire et de relire ton adorable petite lettre et de la répéter par cœur, il m’a semblé que j’en avais passé quelques mots hier en la copiant et pourtant [illis.] me parait impossible et n’être qu’une lacune de mémoire de mes yeux. Cependant dans le cas où ce malheur me serait arrivé, à force de m’absorber en toi, je veux recommencer la copie de ton texte sacré qui est aussi le mien.
« Dieu faites-nous vivre ensemble à jamais. Exaucez-le en moi, exaucez-moi en lui. Faites qu’il ne manque à aucun jour de ma vie et à aucun instant de mon éternité. Faites que je sois à jamais, dans cette vie et dans l’autre, utile et aimée, utile au bien-aimé, aimée par lui. Sauvez-nous, Transfigurez-nous, unissez-nous ! »
Ces soixante mots de notre prière mutuelle sont enregistrés au ciel où nos deux âmes la retrouveront et la [liront ?] pendant toute l’éternité. C’est pour cela qu’il ne faut pas plus de lacune sur le papier que dans notre mémoire et que dans nos cœurs tout le temps que nous serons sur la terre. Je t’adore, je te bénis ! Je sais gré à cette redoutée année [1], de t’avoir fait hier une avance obligeante en te prévenant du mauvais état de ton toit. J’espère qu’elle ne s’en tiendra pas là et que sa bonne grâce et sa sollicitude pour toi se montreront jour par jour dans les grandes comme dans les petites occasions. Je lui serais particulièrement reconnaissante si elle voulait bien t’apporter aujourd’hui de bonnes nouvelles directes de Môsieu le Petit Georges et de Mamzelle la Petite Jeanne. Mais où je la bénirais dans les siècles des siècles, cette bonne année qui fait peur, c’est si elle te rendait toute ta chère famille dans les conditions où tu la désires pour leur bonheur et pour le tien. Je la prierai tant qu’il faudra bien qu’elle m’accorde ce que je lui demande pour toi et pour moi. En attendant je lui souris avec confiance et je t’adore devant Dieu.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 1
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1On ne sait ce que Juliette redoute (le chiffre 13, peut-être), mais son intuition est juste : François-Victor Hugo n’a plus tout à fait un an à vivre.

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