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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 avril [1836], lundi matin, 10 h.

Bonjour mon cher bien aimé, comment vont tes pauvres yeux ce matin ? Tu paraissais beaucoup souffrir hier au soir, pauvre cher adoré. J’ai passé une assez mauvaise nuit, aussi moi ; mais je vais mieux ce matin, il ne me reste qu’un peu de douleur et de fatigue à l’endroit malade.
Je t’aime, mon Victor chéri. Tu m’affliges, ou plutôt nous nous affligeons mutuellement par des défiances absurdes et par des susceptibilités hors de propos. Moi, encore suis-je pardonnable car j’ai continuellement l’appréhension que tu me compares à quelqu’un et que cette comparaison ne m’est pas favorable. Mais toi, tu n’as rien à redouter. Il est impossible d’être plus entièrement à toi et plus confinée dans mon amour que je ne le suis et, quoi que tu en dises, toujours prête à te donner des preuves de dévouement et d’abnégation sincères. Aussi serait-il temps que nous quittassions l’un envers l’autre cette attitude soupçonneuse qui introduit de l’hostilité dans les moments les plus doux et les plus expansifs de notre vie. Ce que je te dis là, mon cher adoré, je me le dis aussi à moi, car je comprends que j’ai été trop souvent coupable envers toi de défiance, que ne méritait pas ta conduite noble et dévouée. Je t’en demande pardon du plus profond de mon âme et je tâcherai bien à l’avenir de ne pas retomber dans la même faute. Je t’aime mon adoré. Je me mets à tes pieds pour me repentir et sur ton cœur pour y introduire tout l’amour qui me brûle.
A bientôt mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 342-343
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


25 avril [1836], lundi soir, 8 h. ½

Mon cher petit homme adoré, vous êtes le plus habile et le plus charmant des hommes, surtout quand vous parlez toilette et coquetterie. Je vous adore, mon cher cher petit ange, c’est bien vrai, et je me trouverais la plus infortunée des mortelles si vous ne me tyrannisiez plus. Je suis faite à cela, moi ; je veux que vous me tyrannisiez bien fort.
En attendant le fameux chapeau à p……, je m’en vais vous dire quelque chose de très gentil et de très doux : c’est que je vous aime. Je vous aime, mon Toto chéri, avec les yeux, avec le cœur, avec l’âme, avec l’esprit. C’est pour cela que je vous adore et que je vous vénère quoique vous ayez la mine fort peu vénérable avec vos beaux cheveux au vent et vos beaux yeux sous toutes les jupes des grisettes de Paris.
Je t’aime, mon Victor chéri, et je trouve que tu es trop bon et trop indulgent envers moi. Je veux que [tu] me dises tout ce qui te passera, par l’esprit, quoi que ce soit, pour avoir le plaisir de t’obéir aveuglément. Ne suis-je pas ta femme, ton esclave, ton chien, ta chose ? Je veux ne conserver ma volonté et mon libre arbitre que pour t’aimer, car je suis sûre que tu ne m’accorderais jamais toute la latitude dont j’ai besoin pour mon amour. A part de cela, je veux être la plus soumise et la plus humbles de vos sujettes.
Je t’aime mon amour.
Sois sûr que je t’aime au-dessus de toutes expressions.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 344-345
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


25 avril [1836], lundi soir, 8 h. ¾

Cette petite lettre, mon cher bijou, devrait porter la date d’hier, car c’est ce que j’ai senti hier que j’exprime ce soir, à la souffrance et à la tristesse près que j’avais hier et que je n’ai pas ce soir. Je t’aime, mon Victor bien aimé, et je suis bien malheureuse quand tu parais en douter ou que tu suspectes ma probité. Je peux bien te le dire, mon cher adoré, puisque c’est la simple vérité, depuis bientôt deux ans, je n’ai pas eu une pensée qui ne soit à toi. Je n’ai pas eu une pensée que je ne puisse te dire, je n’ai pas fait une démarche que tu ne puisses savoir. Voilà qui est bien vrai, mon amour. Maintenant, quand tu en doutes et que tu te sers d’un passé triste et fatal pour empoisonner les jours d’aujourd’hui, je souffre et je m’irrite, car je sais que ce sont des journées précieuses et des moments encore plus précieux que nous perdons follement et qui ne reviendront plus, sur cette terre du moins. Aussi, mon cher adoré, je vois avec terreur la conversation s’arrêter sur les choses nécessaires ou futiles de la vie parce que d’un côté ta défiance habituelle et de l’autre ma susceptibilité maladive nous poussent tout de suite à des extrémités fâcheuses et que je déplore du plus profond de mon âme. Cependant, mon cher bien aimé, je ferai tout mon possible pour écouter avec calme toutes les observations, quelles qu’elles soient, que tu me feras, soit dans notre intérêt, soit par un sentiment moins amical.
Je t’aime tant que j’en viendrai à bout.
Je t’aime.
Mon [illis.] homme très vilain, voici l’heure de CRÈCE qui se passe et vous n’arrivez pas.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 346-347
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

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