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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 mai 1847

15 mai [1847], samedi après-midi, 2 h.

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour et amour à toi. Comment vas-tu et comment m’aimes-tu ? Je ne te vois plus et l’hiver en s’en allant n’a pas emporté tes visites, tes occupations et toutes les distractions qui nous ont séparés pendant huit mois de l’année. J’espérais, et tu m’avais promis, que tout cela finirait avec les beaux jours mais jusqu’à présent mon espoir ne se réalise guère et tu n’as pas l’air de vouloir me tenir beaucoup parole. Enfin j’attends avec une confiance et un amour dignes d’un meilleur sort.
J’ai envoyé savoir si le spectacle tenait pour ce soir. Il paraît que oui d’après l’affiche mais on a eu soin d’accompagner la susdite affiche d’une annonce de dernière représentation de Mlle Rachel et de M. Ligier [1]. Cette tendre sollicitude, jointe à tout ce qui doit faire diversion pour aujourd’hui à la reprise de Marion de Lorme, il est probable qu’il n’y aura pas chambrée complète. On n’est pas plus charmant que ces comédiens-là et je voudrais leur vider tous les vases nocturnes de Paris et de sa banlieue sur leurs aimables boules en signe d’admiration. Je verrai ce soir comment ils s’acquittent de la représentation.
J’aurais mieux aimé la petite loge C malgré l’effronterie de l’ouvreuse. J’ai de trop mauvais yeux pour être au fond d’une salle de spectacle, cependant je tâcherai de bien voir ce soir et de ne rien perdre de toute votre adorable pièce.

Juliette

MVH, α 7901
Transcription de Nicole Savy


15 mai [1847], samedi après-midi, 2 h. ½

Pour peu que tu tardes encore quelques instants, mon Toto, j’aurai à peine le temps de te voir aujourd’hui. Je ne t’en fais pas un reproche mais ça n’est pas très gai. Pauvre adoré, peut-être auras-tu eu beaucoup à faire outre ton travail ordinaire ? Si cela est, je prends mon mal en patience et je redouble de courage en t’attendant.
Il paraît, d’après le renseignement que m’a donné Suzanne, renseignement très douteux par cela seul qu’il vient d’elle, on ne donnerait absolument que Marion ce soir et qu’on la commencerait à 7 h. Il me faudrait partir de chez moi à six heures pour être au commencement. Cependant il me semble difficile qu’on ne donne pas d’autre pièce avec Marion ? Si tu venais tu me fixerais là-dessus. Enfin c’est égal, on la joue ce soir cette pauvre Marion, ce qui prouve que le Beauvallet y a regardé à deux fois avant de se laisser prendre le rôle. Il a bien fait dans son intérêt de comédien mais s’il avait un peu d’esprit et de cœur il te demanderait pardon à genoux de sa stupide et grotesque sortie de l’autre soir [2]. Voilà mon opinion, que je ne lui soumets pas, mais qu’on devrait lui conseiller s’il avait autour de lui des gens intéressés à son avenir. Moi je t’aime et je me mêle de ce qui ne me regarde pas, sûre que je suis que tu te moqueras de la pauvre [une ligne illisible à la pliure]

Juju

MVH, α 7902
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Rachel avait repris Athalie le 5 avril. Pierre-Mathieu Ligier (1796-1872), excellent comédien et sociétaire du Théâtre français depuis 1831, s’était fait remarquer en 1832 dans le rôle de Triboulet du Roi s’amuse. Il devait incarner aussi Frédéric Barberousse dans les Burgraves, en 1843.

[2« Avant de finir toutefois signalons un incident survenu à la chute du rideau. Une grande partie du public redemanda Beauvallet qui ne reparut point ; certains prétendaient que cet artiste, en galant camarade, ne voulait point accepter cette ovation sans y associer Mme Mélingue qui se rendant pleine justice s’y serait refusée, en faisant observer que son nom ne figurait pas dans les cris de rappel.- Il était minuit, on faisait beaucoup de bruit, de poussière et on éteignait les quinquets, quand nous avons quitté le théâtre et on criait encore mais Beauvallet ne reparaissait point. » (Journal des théâtres et de la France théâtrale, p. 2, 15 mai 1847)

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