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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 novembre [1847], samedi matin, 7 h. ¾

Bonjour mon doux aimé, bonjour mon Victor, je baise tes beaux yeux endormis et ton grand front sublime. J’ai la discrétion de borner là mes caresses pour ne pas te réveiller. Dors, mon amour, repose-toi et tâche de rêver de moi puisque tu n’as pas le temps de t’en occuper dans le jour.
Je te remercie, mon bien-aimé, de m’avoir traduit l’inscription de ma pauvre fille [1]. Fatigué comme tu l’étais, c’est plus que de la complaisance, c’est de la meilleure et de la plus charmante bonté. Aussi je t’en remercie du fond du cœur. Je ne peux pas t’en aimer plus parce qu’il y a longtemps que j’ai dépassé tout le PLUS possible mais je t’en suis bien tendrement reconnaissante.
Je suis bien contente pour toi et pour ton Charlot que son article soit publié [2]. Cela va très certainement le stimuler et lui donner le besoin d’être autre chose qu’un ravissant garçon. Quant à moi j’espère et j’ai toute confiance en lui. Il ne sera pas ton fils seulement par la beauté et la fleur de l’esprit mais encore par le courage, la délicatesse et toutes les qualités qui font l’homme noble et sérieux. Cela ne te fâche pas que je m’occupe à ce point de tout ce qui t’intéresse ? Tu sais que ce n’est pasa par curiosité ni indiscrétion de mauvais goût ? C’est par sollicitudeb et par affection la plus vive et la plus vraie. Je t’aime trop pour que tout ce qui te touche ne me préoccupec pas très sérieusement. Je t’adore, mon Victor.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/60
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) Juliette avait auparavant écrit « ce n’est pas seulement » mais elle a biffé ce dernier mot.
b) « solicitude ».
c) « préocupe ».


6 novembre [1847], samedi soir, 4 h.

Voici l’heure où tu as coutume de venir, mon doux bien-aimé, et je devance la joie que j’en aurai en te gribouillant ces quatre pages blanches. Je suis si heureuse de la pensée de te voir bientôt qu’il me semble qu’il y a du soleil plein mon cœur. Tâche qu’aucun nuage ne vienne l’assombrir. Ce nuage, ce serait ton absence prolongée mais j’espère qu’aucun Antony [3] ne te retiendra aujourd’hui et que je vais te voir tout à l’heure. Si l’article de Charles a paru, et que tu l’asa, tâcheb de me l’apporter aujourd’hui même. J’ai hâte de voir le fruit de ce jeune arbre, cela me consolera de la stérilité de mon affreux petit jardin dans lequel rien ne pousse si ce n’est les chenilles, les araignéesc et les colimaçons. Cela ne m’a pas empêchée d’acheter encore aujourd’hui un prunier de reine-claude pour remplacer mon pauvre abricotier. Cela m’a coûté 5 F. plus le mois de Duval échu fin octobre, sans parler de la semaine d’Eulalie. Tu vois que j’ai déjà fait une fameuse invasion dans la caisse de Suzanne. Je ne le regretteraid pas si cela doit rapporter des belles prunes pour toi, mais s’il n’en vient pas je serai enragée. En attendant, je te baise de toutes mes forces.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/61
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « aies ».
b) « tâches ».
c) « arraignées ».
d) « regretterais ».

Notes

[1À élucider.

[2À élucider.

[3Voir Antony Deschamps, dit Antony, et la lettre du lendemain midi.

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