13 décembre [1849], jeudi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon Toto, bonjour. Eh bien !a que s’est-il passé hier ? Avez-vous été bien galant, bien empressé, bien pressé et bien pressant ? J’ai pensé à cela toute la nuit, car j’ai très peu dormi. Je vous voyais prodiguant vos sourires les plus triomphants et vos regards les plus provocants à cette juive maigre et débauchée et j’en avais la rage au cœur [1]. Ce matin, je ne suis pas beaucoup plus calme ni plus rassurée. Seulement je suis moins loin de vous et j’ai l’espoir de vous voir tantôt. En attendant, je fais ce que je peux pour vous croire un honnête homme incapable de vouloir me tromper. Mon cher petit bien-aimé, si tu savais encore ce que c’est que la jalousie, tu aurais pitié de la mienne et tu n’attendrais pas à tantôt pour m’apporter quelques bonnes paroles de tendresse et d’amour. Malheureusement, ce que tu éprouves pour moi maintenant est si loin de ton bon amour enragé d’autrefois que tu ne songes plus à t’inquiéter de ce que je fais ni de ce que je deviens en ton absence. Au point de vue de la confiance que je mérite tu as raison, mais à celui de ce que je peux souffrir tu as tort. À preuve, c’est que depuis hier six heures et demie du soir je suis la plus malheureuse des femmes. Dieu veuille que tu me rapportes mon bonheur tout entier tantôt. D’ici là, je vais encore me tourmenter bien des fois. Oh ! décidément, je t’aime trop.
Juliette
MVHP, Ms a8590
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux
a) « Eh ! bien ».