21 novembre [1849], mercredi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour. J’ai espéré te voir jusqu’à minuit mais il paraît que tu n’as pas pu venir. Tu ne me l’avais pas promis d’ailleurs et c’est le désir que j’en avais qui m’avait mis au cœur cette espérance qui ne s’est pas réalisée. Aujourd’hui je ne sais pas si j’aurai la chance de te voir de bonne heure mais dans tous les cas il est à craindre que je ne te voie pas plus longtemps surtout si tu as encore des convocations pour le soir. Demain ce sera la même chose puisque de toute façon tu ne dîneras pas chez toi. Quant à M. P. [1], fais ce que tu voudras, comme tu en as le droit, pourvu qu’il soit bien entendu que c’est pour ta satisfaction personnelle et non pour moi. Maintenant, mon bien-aimé, qu’il n’en soit plus question entre nous. C’est une chose dont je ne peux pas parler froidement et indifféremment. Mieux vaut alors n’en pas parler du tout puisqu’aussi bien cela n’avance qu’à te contrarier et à me faire du mal.
Tâche de venir de bonne heure, mon Victor bien aimé. J’ai un besoin de te voir inexprimable. Il me semble que je suis pressée et que je n’aurai jamais assez de toute ma vie pour t’aimer. À tantôt mon amour. Jusque là je vais t’aimer de toutes mes forces et de toute mon âme.
Juliette
Médiathèque de Fougères, Ms 107
Transcription de Florence Naugrette