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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 juin [1849], samedi matin, 7 h.

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon cher invisible, bonjour, mon trop adoré absent, bonjour, comment vas-tu ? Je n’ai éteint ma bougie qu’à minuit et demi et encore au moment où je l’éteignais il entrait quelqu’un dans la maison, ce qui m’a fait une fausse joie. Je ne te demande pas ce qui t’a retenu puisque je le sais d’avance et que d’ailleurs tu m’en avais prévenue. Je te demande si tu as pensé à moi et si tu m’as aimé un peu à travers toutes tes préoccupations ? Je l’espère parce qu’il est impossible que je t’aime tant sans que tu n’en sois pas légèrement atteint. Il est vrai que cette maladie n’est pas contagieuse, MALHEUREUSEMENT. Taisez-vous et aimez-moi de force et tout de suite. En attendant, voici votre compte :

30 mai omnibus - 12
31 blanchissage de chemise et de gilet - 8
1er juin omnibus - 12
Id Corisandre - 1er 10
à Jourdain – 100
à Mme Sauvageot – 258
au md de tableaux – 8
Total – 369 2 s
J’ai reçu de vous 400
Il faut que je vous rende : 30 / 8 s
400  0

Voilà, mon amour.
Vous les trouverez tout prêts quand vous viendrez. Il faudra que je m’apprête encore pour midi ½ ? C’est absurde mais je le ferai. Lundi j’irai à Saint-Mandé. Il y a bien longtemps que je remets cette douce et triste visite, mais il faut que j’y aille lundi pour savoir à quelle heure M. le curé dira sa messe le 21. Je partirai de très bonne heure de la maison et je serai revenue pour te conduire à l’assemblée. Je t’aime mon Victor, du cœur et de l’âme.

Juliette

MVHP, MS a9048
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine


2 juin [1849], samedi après-midi, 2 h.

Je suis consternée et enragée et je me battrais comme plâtre si je pouvais. Il m’aurait été très facile d’être prête beaucoup plus tôt que l’heure à laquelle tu es venu, mon cher adoré, et si je ne l’étais pas, c’est parce que j’étais convaincue que tu ne viendrais pas avant deux ou trois heures. Ainsi, je paie cette stupide conviction par toute une journée de bonheur car pour moi la journée c’est le moment où je suis avec toi. Quelle chance !!! C’est à se taper la tête contre le mur et à se donner à tous les diables. Tu penses, mon cher bien aimé, que je n’ai pas osé y insister davantage quand je t’ai vu si sérieusement à l’heure, mais en revanche je m’en suis prise à mes yeux tant que j’ai pu, c’est au point que je me fais peur à moi-même tant je suis hideuse. Mais que je serais bien vite joyeuse si par impossible tu venais tout à l’heure me dire cette phrase magique d’autrefois. « Juju mets ton chapeau noir, allons dîner aux Marronniers [1] ». Hélas ! Il y a longtemps que ces neuf mots harmonieux et pleins d’amour ne se sont fait entendre et je doute qu’ils en viennent jamais avec les assemblées, les réunions et les Petit-Bourg [2] qui pullulent de toutes parts. Aussi, je serai triste et malheureuse jusqu’à ce que je t’aie revu.

Juliette

MVHP, MS a9049
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

Notes

[1Les Marronniers était un restaurant réputé de Bercy où Victor emmenait Juliette.

[2La société de Petit-Bourg est une œuvre philanthropique en faveur des enfants pauvres et des jeunes délinquants. Victor Hugo en est le président depuis le 28 mai 1848.

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