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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 novembre [1845], mercredi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon ravissant petit bien-aimé, bonjour, mon bonheur, ma joie, ma vie, mon amour, comment vas-tu ce matin ? Tu auras eu encore bien froid cette nuit, car il est probable que tu auras encore travaillé sans feu ? C’est te faire beaucoup de mal à plaisir. Tu devrais donner l’ordre, une fois pour toutesa, de te faire du feu quand tu travailles. Ce serait une précaution qui ne coûterait aucune peine et qui peut empêcher que tu souffres tous les jours comme un pauvre martyr. Si j’étais là, je t’en ferais malgré toi, quitte à me faire mettre à la porte plusieurs fois par jour. Mon Victor, mon doux aimé, quelle bonne surprise tu m’as faite hier en venant dîner avec moi. Je suis si heureuse quand je peux passer quelques heures avec toi que je ne m’en lasse jamais. Je suis aussi sensible à ce bonheur-là que la première fois, peut-être plus encore. Malheureusement il n’arrive pas assez souvent. Mais les jours où il vient, c’est avec la joie et l’amour dans le cœur que je le reçois et que je lui fais fête. Comme il n’était pas tard quand tu es parti hier, j’ai voulu finir de copier les notes du livre. Je croyais en avoir pour peu de temps. J’ai veillé jusqu’à 1 h. ½ du matin et je n’ai pas fini. Justement, toutes les dernières notes sont très longues. Mais tantôt, j’espère en venir à bout. Pour cela je vais me dépêcher de faire mes affaires bien vite. En attendant, je te baise, toi, je t’aime et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 121-122
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « une fois pour toute ».


5 novembre [1845], mercredi après-midi, 3 h. ½

Je ne vous vois pas guère, mon petit Toto, vous ne faites tout à fait qu’entrer et sortir, ça n’est pas plus honnête que ça. Si vous croyez que je suis contente, vous êtes dans l’erreur. J’ai un mal de tête fou. Je ne sais pas si c’est rhumatismal mais je ne peux pas tourner la tête sur mes épaules. J’aurais besoin que vous veniez dîner avec moi encore ce soir pour me guérir. Cela m’a très bien réussi hier.
Jour, Toto, jour, mon petit TENDRON, vous êtes mon petit NÉGROMANTa [1], vous aimeriez peut-être mieux être mon NÉMIR ? Car pour un NéMrod [2] vous n’y avez pas de prétention, je le sais. AS-TU SOIF ? Tu as peut-être besoin d’un HABIT, le tien doit être bien usé depuis le temps qu’il sert. Vous voyez que je me fiche de vous à votre NEZ KER et que je n’ai pas la moindre vénération pour vos cheveux noirs. Cela tient à mon NÉ ANT et à la majesté de la pairie. Voime, voime, baisez-moi et ne vous frottez jamais à mes stupidités parce que vous ne pourrez plus vous en désinfecter. Voici Mons Duval avec une cargaison de plantes. Je vais aller voir ce que [c’est  ?], mais auparavant je veux finir mon gribouillis. Baise-moi, mon petit Toto chéri, pense à moi et viens le plus vite que tu pourras. Tu ne viendras jamais assez tôt au gré de mon impatience et de mon amour. Je t’aime, je t’aime, je t’aime et puis encore je t’aime, et puis toujours je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 123-124
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Mot valise constitué de « nègre » et « nécromant ». « Ancienne forme du mot nécromancien. (...( Magicien, en général » (Larousse). Victor Hugo évoque les nécromants à plusieurs reprise dans son recueil Odes et Ballades (1827).

[2« Homme qui aime beaucoup la chasse ou qui est très habile chasseur » (Larousse).

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